La Promesse d'Almache

Après vingt ans de vie bruxelloise trépidante, Dydie et Pierre choisissent de quitter la capitale pour s’installer dans l’ancienne hostellerie d’Almache qu’ils viennent d’acquérir. Cette bâtisse ardennaise, témoin de leur quotidien isolé, sera aussi le lieu de fêtes et de parties de bridge qu’ils partagent avec leurs amis. Mais le bonheur est éphémère. Au décès de son mari, Dydie s’effondre, elle a perdu son complice. Elle se retrouve seule, perdue dans son imposante maison. La vie continue néanmoins, ponctuée d’excès et de folies que lui permet la fortune de Pierre. Elle soigne sa mélancolie dans le champagne et se console dans l’affection que lui porte son neveu Arthur, son confident, à qui elle décide de léguer l’ancienne auberge…

La relation entre un jeune homme et sa tante dans un hameau de l'Ardenne profonde. Description de la vallée de la Semois, des  habitants de la région de Bouillon.

Fiche

Année
2014
Édition
Weyrich - coll. Plumes du Coq
Distribution
Weyrich
Diffusion
Weyrich

Extrait

 

  • Voilà, la maison, c’est pour toi…

 

Arthur fut sidéré. C’est l’émotion ! pensa-t-il, elle a dû lâcher cela sous le coup de l’émotion.  Pierre était mort, elle venait d’apprendre la nouvelle, appela son neveu. Dans la nuit, il avait roulé à folle allure pour la rejoindre, ne pas la laisser seule, là, au milieu des forêts de l’Ardenne, entre Paliseul et Bouillon. Il devait être minuit quand le jeune professeur arriva dans l’ancienne auberge. Il la prit dans ses bras, la serra contre lui sans dire un mot. Dydie ne voulait prévenir personne de la disparition de son mari, seulement lui. Sa présence rendrait le chagrin moins amer, la rassurerait. Après s’être interdit de pleurer, elle lui commanda d’ouvrir une bouteille de champagne et se mit à raconter, se raconter, il sut tout de leur rencontre, du duo insolite qu’elle composait avec Pierre.

 

         Dès le début, le couple se mit d’accord pour user la vie jusqu’à la trame, chacun respectant le jardin secret de l’autre. Ils avancèrent sans trop se soucier du lendemain. « Au dernier vivant tous les biens ! » avaient-ils conclu dans un pacte de jouissance. Souvent, les êtres qui s’en réfèrent au plaisir éprouvent au plus haut degré le mal de vivre. Cette nuit-là, Dydie se retrouvait donc seule avec leur grande bicoque à entretenir, mille souvenirs maquillés et un paquet d’actions camouflé dans un coffre au Luxembourg. Elle cessa presque tout contact avec la famille de Pierre qui ne la porta jamais en grande estime.

 

         C’est elle qui voulut à tout prix cette maison. Elle scrutait chaque semaine les petites annonces immobilières dans L’Avenir du Luxembourg. Arthur, pendant des années, les avait conduits tous les deux visiter différentes villas et fermettes perdues dans les campagnes. Jamais ils ne se décideraient. Les expéditions dominicales se terminaient inévitablement dans un restaurant gastronomique, où Pierre réglait l’addition. Ce jeu, car Arthur ne prenait pas ces escapades au sérieux, dura des années. Mais quand elle découvrit l’improbable “Hostellerie d’Almache”, vieil hôtel à restaurer, sept chambres, ancien relais de chasse avec ses passe-plats, son âtre à chenets, ses trophées, ses vaisseliers imposants, ses terrasses couvertes et chauffées, son étang à truites et son jardin de simples, elle, qui ne pouvait tenir une queue de pelle dans le sens du progrès, voulut acheter le bâtiment illico. Rien ne ressemblait à ce point à son caprice d’enfant que cette bâtisse en moellons, sans style, de la fin du dix-neuvième. Pierre versa les arrhes.