L'envers (extrait)

En 2007, je suis retournée dans les Cévennes, entre autres pour y écrire « courir. J’étais enceinte, j’ai peu couru, et si j’ai beaucoup écrit, contre toute attente, ce sont d’autres textes qui ont surgi. Depuis, je dois bien avouer que « l’envers » envahit tous mes replis. 2008 a exploré l’immobile, un peu contre mon gré. La lenteur, en profondeur. La mémoire, son moteur. J’ai continué d’écrire, des bouts de tout, des tous en bouts. Fruit d’un temps élastique désormais bizarrement rétréci, l’envers s’écrit à petits pas. Amas de fulgurances tranquilles, il naît de ce qui fut, fuit / de ce qui fut fait. Il n’a rien à voir avec ce que j’ai écrit avant, pourtant il s’en nourrit, pourtant ce que j’ai pu écrire venait de lui, pourtant ce qu’il assemble y ressemble. l’envers reste indéfinissable et s’élabore comme une tentative de définition. Un essai poétique autour d’un mot. l’envers s’interroge sans cesse sur ce qui habite l’écrit, sur ce qui de l’écrit coud un habit (pour soi/pour l’autre), sur ce qui de l’habiter transforme les mots – et inversement. Sur tout ce qui se dit au-delà de l’écrit lui-même. A travers / perception essentielle. Si j’ai longtemps dit que je transportais partout ma maison avec moi (« a home within me »), je sais à quel point l’écrit participe de sa construction, à quel point cet édifice-là est solide et fragile à la fois. l’envers est une entreprise étrange de mise en lettres de ce qui m’habite, de ces mots qui logent entre les lignes. Une manière de dire un processus d’écriture sans le (dé)crire vraiment, un filet où capturer l’infra-mince. Une entreprise de longue haleine, je crois. Qui procède par vagues, par va-et-vient entre un monde du dedans et celui du dehors, entre ce qui fit ma vie « d’avant » et ce qui d’elle vit encore. Jamais je n’ai écrit aussi lentement, et pourtant rien du sentiment d’urgence ne s’est perdu. Par l’écrit, à travers lui, quelque chose de moi s’échine à l’archéologie de l’essentiel. Une exploration minutieuse qui part du monde et revient au monde, loin des autofictions nombriliques (du moins, je l’espère). l’envers… serait-ce une amarre sans port ?  

Fiche

Visuel
Année
2008
Édition
Lettre volée (La)