Christine Van Acker

  • Écrit / Son / Spectacle vivant

N'en-à-qu'un en Très-haute-Prudence

Gaudriole

Un livre rabelaisien où nos sociétés sécuritaires en prennent plein la poire !

Fiche

Visuel
Année
2012
Édition
Chemin de fer

Extrait

       C'était un temps sans temps.

        Il faisait noir comme dans le Cul de n'importe qui et, plus encore, comme dans celui des autres.

        Personne pour le voir, personne pour le chercher à tâtons.

                   Personne pour qu'on en finisse avec les vieilles ténèbres, pour    que ça cesse, pour que ça naisse, personne pour qu'on lâche la laisse     de la Lumière qui n'osait pas appuyer du haut de son premier rayon    sur le petit bouton, là, tout au fond de la nuit, là où ça chassetouille, là où ça gargrouille, où ça grasseproute, là où ça roustonne et ça    marmitorne...

                   Personne pour qu'advienne enfin le règne de l'Interrupteur.

        Or, il advint que, du fond de cette éternité vide et froide, la Lumière devint allergique au Néant. Un éternuement contenu depuis la Nuit des Temps la projeta, les doigts en avant, sur le petit clicli érectile de la Nuit.

        Ainsi, de par la grâce catarrhique d'une rencontre entre la main de la Lumière et le corps de la Nuit, la Nuit vit Dieu et, avec Dieu, le Septième Ciel, les Anges, le Paradis, et tout ce qui naquit de ses premiers frissons de plaisir.

        Le Souffle de la Lumière et l'Orgasme de la Nuit furent si violents qu'on en eut pour un bon moment avant de pouvoir y voir clair et sans se ramasser tantôt un gros caillou, tantôt l'aile d'un ange au coin de l'oreille.

        Et, je vous le dis, ce fut un travail de Titan que de réunir ces morceaux épars, apeurés, s'interpellant :

  • Vous n'auriez pas vu ma couronne ?
  • Vous êtes certains que les Arbres ne sont pas passés par ici ?
  • Un grand barbu... Oui... ça ne vous dit rien ?
  • Ma Mer, ma Mer, qui sait où est ma Mer ?
  • Un Stratus accompagné d'un Cumulus, vous êtes certain ? 

        La Nuit, pour faire passer le Temps – qui était très jeune encore, sachant à peine marcher – ramassait, au gré des balades avec son petit bout d'Eternité, des zettamottes de Terre, des yottalitres d'Océan, quelques poignées d'Algues, des soupçons de Mousses, et en pétrissait de petites boulettes qu'elle lui lançait pour qu'il se décide à courir.

        Le Jour, lui, préférait capturer dans ses filets des éclats luminaissant, des astrincelles, des embraises qu'il lançait à son tour, émerveillant le Temps qui sautait de joie et battait des Heures, oubliant l'espace d'un instant qu'il lui faudrait passer, passer, et passer encore.