Fameuses femmes

À l’occasion de son 20e anniversaire, la bibliothèque communale de Libramont vient de publier avec les éditions Demdel ce recueil collectif rédigé par Claire Ruwet et les participant.es de son atelier d’écriture (Madeleine Boniver, Zinoviya Kostanda, Claire Nactergal, Angélique Barillot, Isabelle Paquay, Philippe Carlier, Anne Léger et Jean-Joseph Bodson). D’atelier en atelier, ils ont exploré des chemins différents. La majorité ici a emprunté celui de la nouvelle, d’autres celui de la poésie ou du récit de vie. De multiples personnages sont nés de leurs plumes et leurs claviers. Parmi eux, ces fameuses femmes. Femmes de toutes origines et conditions sociales : d’une oto-rhino-laryngologiste à Madame pipi en passant par la fille d’un mineur andalou, des femmes voilées, un modèle, une enseignante ou une fermière d’origine bourgeoise. Femmes de toutes les époques : femmes d’aujourd’hui ou d’hier. Ces nouvelles nous entraînent dans le point de vue de personnages singuliers et variés. Souvent des personnages féminins, mais pas toujours ! Une jeune femme voudrait arrêter ses études pour voyager, mais nous nous interrogeons aussi avec son père, sa mère et avec son petit ami. Doute et colère de cette jeune maman, disposant juste du temps de la sieste d’un enfant. Envol de ces femmes à la recherche d’elles-mêmes et de leur «?deux-venir?». Des femmes et des hommes, aux confins de la naissance et de la mort, des conflits, des choix, des larmes et de l’humour.

Fiche

Année
2019

Extrait

- Ça commençait à faire beaucoup de monde ! lançai-je, ironique.

- Ça grouillait?! «?Vous comprenez, j’en ai plein le dos?», a gémi la femme qui continuait à relâcher un bazar hétéroclite : un congélateur et trois filles givrées, des pissenlits et des désespoirs du jardinier. «?Comme j’ai mal, je n’arrive pas à arracher les mauvaises herbes de mes parterres?», s’est excusée la femme, «?alors j’accumule?». Les filles givrées vomissaient dans mes tiroirs, le congélateur dégivrait et les 500?000 chômeurs découragés poussaient des soupirs navrants qui arrachaient les aigrettes des pissenlits, déclenchant chez moi une toux allergique. La glace fondait, avec le réchauffement climatique, vous pensez bien... Les racines du désespoir du jardinier ont étendu leurs ramifications partout : elles ont rampé sous ma table pour rejoindre la baie vitrée qui laissait entrer la lumière du patio.

Le niveau de l’eau montait d’autant plus que la blonde en deuil pleurait à chaudes larmes et que le technicien avait percé malencontreusement une conduite. Ma patiente flottait sur le dos, tandis que les femmes voilées avaient fabriqué un voilier avec la boîte des directives. Sur ce fragile esquif avaient aussi embarqué quelques Palestiniens et les rares chômeurs qui avaient réussi à décrocher un emploi de capitaine, de mécanicien ou de passeur. Le secrétaire d’État a essayé d’arrêter le radeau. Pour ce faire, il a engagé les services secrets soudanais et les contrôleurs de la salubrité pédagogique. Heureusement, je savais nager et je flottais aux côtés de ma patiente, veillant à son bien-être.