Eric Durnez

  • Spectacle vivant / Écrit

Bamako

Le vieil Anversois De Winter tient son hôtel minable à Bamako aidé par Farida, sa servante et maîtresse. Entre ses problèmes de santé et ses traficotages avec le Libanais Amine et le Malien Moussa, De Winter remâche son passé sur un ton désabusé, tandis que Greta, sa nièce, en vacances à Bamako, vit avec Moussa une relation amoureuse qui la laisse dans le dépit et l’angoisse. Julien, un jeune Français, débarque à l’hôtel sans qu’on sache pourquoi. Sa présence excite la curiosité de De Winter. Les événements vont se précipiter quand le vieil Anversois découvrira que sa nièce est en danger suite aux activités douteuses de Moussa. Éloigner Greta sera le dernier combat de De Winter…

Fiche

Année
2003

Extrait

DE WINTER À Bamako j’ai perdu l’amour… à Bamako… Je contemplais le Niger, sa brume… Perdre l’amour… Ça ne s’est pas fait en une semaine… L’amour… Pas un amour, non, l’amour… L’amour… Substance visqueuse dont vous n’arrivez pas à vous débarrasser avant… avant disons cinquante ans… À peu près. À peu près vers cinquante ans… Ça commence à se décoller. Ça commence seulement… Y en a encore pour des années… D’autres idées tragiques se décomposent par la même occasion, chimères en tout genre, conneries de gamin, espoirs imbéciles qui vous ont bouffé la vie. Vous auriez des cigarillos ? Non ? Dommage… Je n’aime que les cigarillos. J’ai perdu ma cargaison à l’aéroport, sans doute un douanier qui a mis la main dessus. Je revenais d’Anvers. Passé les fêtes là-bas… Il pleuvait, il pleuvait froid à Anvers. Ici, vous trouverez des cigarettes à tous les coins de rue mais pas le moindre Davidoff. L’amour, oui… Vous êtes jeune, vous subissez encore les problèmes d’amour… […] La chambre vous convient ? JULIEN Oui. DE WINTER Tant qu’on vit dans la peur de perdre l’amour on se sent mal. Perdre l’amour… Ça finit par arriver sans qu’on s’en aperçoive… De jour en jour on y pense moins, ça se dilue dans l’ennui quotidien… Aujourd’hui, à choisir entre une femme et disons… six mois de cigarillos… Je prends les cigarillos. Vous fumez ? JULIEN Non. DE WINTER Six mille pour la nuit. Vous restez combien de temps ? JULIEN Je ne sais pas. DE WINTER Vous êtes ici pour le travail ? JULIEN Pas vraiment. DE WINTER Tourisme ? JULIEN Non. DE WINTER Je me disais aussi… Pas la saison. Une autre bière ? C’est pour moi. JULIEN Merci. […] DE WINTER Et Anvers ? Vous connaissez Anvers ? JULIEN Je ne suis jamais allé en Belgique. On m’a dit que c’était beau. DE WINTER Des âneries. La Belgique est moche, tout le monde le sait. Du gris, des routes, de la pluie, du gris, des travaux, du brouillard, de la pluie…