Anna

Anna est une pièce de combat entre un frère et une sœur. Un règlement de comptes. Marco a créé le label ‘Anna Star’, qui a transformé Anna, sa sœur, en une vedette mondiale du show-biz. Suite à la mort de leur mère, ils se sont séparés. Quatre ans plus tard, Anna revient. Mais le décalage entre leurs mondes a creusé un sillon infranchissable. Elle va détruire ce que Marco avait patiemment bâti durant leur séparation. Les dommages collatéraux seront irréversibles… et les deuils inévitables.

Fiche

Année
2006
Production
Magasin d'Ecriture Thétrale

Extrait

Anna : Hello !…La porte était ouverte, enfin non, pas vraiment ouverte mais plutôt… Alors je suis entrée. C’est par hasard. Enfin, plutôt pas. J’ai vu une espèce de furie blonde débouler dans l’entrée… Alors je me suis dit que tu étais seul et que peut-être… Marco : Tu peux entrer. Tu peux même t’asseoir et retirer ton manteau. Tu sais, ça ne me fait rien de te voir. C’est bien. Il n’y a aucune raison pour que je sois fâché sur toi. C’est vrai que quatre ans, c’est long, mais bon, tu es là, c’est ça qui compte. Anna : Merci. C’est bien que tu le prennes comme ça. Marco : J’ai fait des progrès. Je gère mon énervement… enfin jusqu’à un certain point. Anna : C’est dépouillé chez toi. Un peu triste. Marco : Merci. Tu as toujours été douée pour les compliments. Anna : Ne le prends pas mal, je disais ça comme ça. Marco : Oui bien sûr. Tu as vu de la lumière, tu t’es dit : « je vais monter lui dire un petit bonjour. Il y a quand même quelques années que je ne l’ai pas vu. J’en profiterai pour lui dire qu’il a un appartement de merde ». Anna : Je peux repartir si tu veux. Je comprendrai. Je tombe peut-être mal. Marco : Reste. Je suis très heureux de te voir. Anna : Pour te dire la vérité, il y a quelques heures que je suis en bas. Il commençait à faire froid dans la voiture. Je n’osais pas monter. Puis quand j’ai vu la fille… Marco : Tu veux du thé ? Anna : Oui. Avec plaisir. Silence. J’ai toujours cru que tu veillerais sur moi, que tu serais toujours à mes côtés. Mais non, on s’est quitté. Marco : Tu t’es très bien débrouillée sans moi. Anna : Peut-être. Mais avec toi, tout aurait été plus facile. Plus confiant. Marco : Tu n’as pas confiance dans les gens qui t’entourent. Pourtant, ça pullule, si j’ai bien suivi. Anna : Non. Bien sûr que non. Je n’ai pas confiance. Marco : Tu n’avais plus confiance en moi non plus. Anna : Ce n’est pas ça. Avec toi, c’était différent. L’essentiel était devenu superficiel. Tu sautais sur tout ce qui bougeait du moment que ça avait des bas et des talons. Marco : Jalousie… Anna : Perte de temps. Je travaillais et toi tu fumais, tu buvais, tu … Marco : Tu as bien fait de passer. C’est chouette que tu sois venue me dire quelques vérités en face. Ça m'occupe. Anna : Tu bouges un peu ? Marco : Oui. Oui. De l’école à ici, d’ici à l’école. Parfois au cinéma, parfois au supermarché, parfois un verre avec un collègue ou l’autre. Anna : Tu as des amis ? Marco : Ça t’étonne ! Anna : C’était une question. Marco : Pardon. Je n'avais pas perçu ça ainsi. Quelques-uns, des collègues. Et puis Fabrice toujours. Anna : Ah oui, évidemment. Fabrice. Toujours là. Marco : Il est marié … deux gosses. Je suis parrain de la première. Six ans bientôt. Charmante avec des joues… Anna : Je m’en fous. Marco : Bien. C’était pour parler. Anna : Ta vie est passionnante. Marco : Je ne suis pas certain. Mais on peut faire comme si. Anna : Tu as un boulot, des amis,… Papa, je suppose ! Marco : Oui. Il est… en pleine forme. Il vit ici. Anna : Je sais. Marco : Tu es bien informée. Anna : Je me suis tenue informée. Il va arriver ? Marco : Pas tout de suite. Non, je ne crois pas. En fait, je ne sais pas. On vit ensemble, mais plutôt séparément. Anna : C’est un peu l’histoire de ta vie. Vivre à côté des gens plutôt qu’avec eux. Marco : Tu es toujours aussi sévère envers les autres. Anna : Pour les autres, comme pour moi. J’applique les mêmes règles. Marco : Elles ne conviennent pas à tout le monde. Pour en revenir à ma vie, je ne suis pas convaincu qu’habiter dans cet appartement minable, en banlieue, en enseignant le français à un troupeau de mecs qui n’en ont rien à foutre soit réellement le pied. Anna : Sans doute. Mais tu fais ce que tu veux. Marco : Et toi ? Anna : Plus trop. Marco : Pourtant tu n’arrêtes pas. On te voit partout. Dans toutes les émissions, sur toutes les scènes, dans tous les pays. Anna : Fantastique. Tout ce que tu aimes n’est-ce pas ? Marco : Il explose. Ne te fous pas de ma gueule. Tu crois que je vais me mettre à pleurnicher sur ton destin de petite star gonflée au succès ? Tu crois que je vais me mettre à compatir sur ton sort comme tu as toujours voulu qu’on le fasse ? Je n’envie pas ta vie. Il y a longtemps que j’ai oublié tout ça. Les voyages, l’argent, la gloire, c’est du passé, c’est gommé de ma mémoire. Anna : Tu as de la chance. Une mémoire poreuse, voilà un bon allié. Marco : Touché ! Anna : Désolée ! Marco : Tu as raison. C’est plus facile de faire semblant d’oublier certaines choses. Mais ne comptes pas sur moi pour pleurer les inconvénients de ton succès. La vie la plus difficile n’est pas celle de celui qui franchit les montagnes, la vie la plus difficile est celle du mec qui tous les matins se cogne la tête au linteau de sa porte parce que celui-ci descend trop bas. Anna : C’est bien. Tu as des références. C’est de qui cette belle citation ? Marco : Alexandre Soljenitsyne. Je l’ai dite de mémoire. Je ne suis pas certain qu’il aurait écrit mec. Anna : C’est bien quand même. Marco : Merci pour lui. C’est bizarre de te voir là. Mon ciel est gris, tous les jours. Pas d’avenir à l’horizon. Et toi tu rappliques après quatre ans, sans prévenir, et tu crois que je vais te plaindre. Mais tu rigoles j’espère ? Anna : J’ai… J’ai besoin de toi, j’ai besoin de vous. Marco : A la bonne heure. Madame a besoin de laquais. Anna : Non. Coups à la porte d’entrée. Anna : Tu attends quelqu’un ? Marco : Je ne sais pas. Je ne crois pas. Il va ouvrir.