La Valse du Pont suspendu (roman)

Épouse d'un avocat de renom froid et distant, Élise s'ennuie dans sa grande maison de maître parisienne. Au hasard de ses errances quotidiennes, elle découvre le journal intime d'une jeune française recluse à Vienne en 1848. Elle s'y plonge jusqu'à l'oubli de soi. Abandonnée par tous, Élise part sur les routes, persuadée de retrouver la Vienne de Metternich décrite dans le journal intime, entraînant avec elle le dernier être qui accepte ses délires, un vieux jardinier sourd et fidèle. De Paris à la Cour d'Autriche, la dérive est inattendue : tantôt drôle, tantôt tragique, car il n'y a pas de retour en arrière possible pour Élise dont la démence l'entraîne toujours plus loin.

"La valse du Pont suspendu" - Prix Margueritte van de Wiele 2002

http://www.francoisepirart.be/biblio_roman_la_valse.html

Fiche

Visuel
Année
2001
Édition
Ancrage

Extrait

Elle tourna brusquement les talons pour se jeter dans la volée d’escaliers et fuir le regard de sa fille. Elle se sentait exaspérée, incomprise de tous. Germain qui lui conseillait d’aller au jardin, et Valérie maintenant qui la contredisait juste pour le plaisir, stupidement inconsciente de l’importance de ce qui se passait ! Dans le hall d’entrée, elle s’arrêta enfin, haletante, regardant à droite et à gauche, ne sachant plus très bien ce qu’elle cherchait ni pourquoi elle était ici. Elle revint vers la salle à manger et se dirigea lentement vers le miroir. Elle resta debout, droite comme un I, parfaitement immobile dans sa contemplation d’elle-même. Le miroir en pied lui reflétait l’image d’une femme d’âge moyen – la quarantaine passée -, au corps mince enveloppé dans une robe d’organdi jaune pâle qui s’évasait de la taille jusqu’aux pieds. Le corsage, au large décolleté orné de berthe, était ajusté, et les manches bouffantes, serrées aux poignets par des rubans. Les cheveux, tirés en arrière, disparaissaient sous un bonnet assorti à la robe. Dans le visage blême, les yeux brillaient étrangement. La bouche formait un trait mince.
« J’ai l’air d’une morte… Peut-être suis-je morte ? Non, je ne le suis pas, je suis elle, je suis devenue elle. » Plus brutale et inattendue que par le passé, l’angoisse la surprit à nouveau. Sans un cri, elle tomba dans un puits profond, noir et glacé, y resta un temps infini, souffrant en silence. Elle n’en remonta qu’en entendant les premières mesures de la Valse du Pont Suspendu. Friedrich était revenu.