Le rêve est une seconde vie (roman)

Christophe, adolescent en fugue, rencontre dans une gare abandonnée où il passe ses nuits Bill, un vieux boxeur américain. Si la méfiance et l'appréhension sont présentes au début de leur rencontre, le vieil homme parvient néanmoins à apprivoiser Christophe en lui enseignant les rudiments de la boxe, avec du matériel de fortune. À l'évocation des combats de Bill, de ses victoires et des grands boxeurs qu'il a croisés dans sa carrière, Christophe rêve de célébrité. La gare est le refuge d'une amitié forte, parfois douloureuse, pleine de contradictions et de mensonges, entre ces deux êtres qui n'ont en commun que le désarroi et l'errance.

http://www.francoisepirart.be/biblio_roman_le_reve.html

Fiche

Visuel
Année
1993
Édition
Pré-aux-Sources

Extrait

Je ne sais combien de temps j’ai cavalé ainsi. Quand je me suis arrêté et que j’ai regardé vers l’arrière, les lumières de Trésignes n’étaient plus visibles. J’avais du mal à retrouver mon souffle. Je me suis mis à marcher sans savoir où j’allais, sans savoir si je reviendrais sur mes pas, et la seule certitude qui m’habitait était que, sur la terre entière, il n’existait pas un être aussi malheureux que moi en ce moment. Une phrase de Bill m’est revenue: I was all alone... L’anglais ne m’est pas familier mais il me semblait que cette phrase-là signifiait exactement, mieux encore que sa traduction française, ce que je ressentais maintenant. Je ne pensais plus à Bill, à notre querelle. J’étais seul au monde, all alone, submergé de détresse dans cette plaine sans fin, conduit, emprisonné par les rails d’une voie désaffectée. Désaffectée! Mais n’étais-je pas moi aussi désaffecté? Disait-on ça des gens inutiles, de ceux qui ne servent plus à rien ni à personne? Moi, à qui étais-je utile? A qui étais-je indispensable? A personne. Même pas à un chien! On ne devient indispensable que quand on est aimé. Pas autrement. Par qui aurais-je pu être aimé? Par Bill? Qui me restait-il dans l’existence à part lui? Et, s’il ne me restait que lui, il devait m’aimer, c’était inéluctable, et donc je lui étais indispensable. Conneries, conneries... M’allonger sur cette voie et attendre le grand fracas, la mort, l’éternité souveraine... Une voie désaffectée où plus un train ne passe! Je pouvais attendre longtemps!