La nuit du passage

Lorsque par une froide nuit de décembre on repêche dans la Meuse, à Givet, le corps sans vie de Marcel Landrin, le nom d’Antoine Mahaut, un marinier de passage, est sur toutes les lèvres. Accident ou meurtre ? La question restera sans réponse car Mahaut se pend la nuit même dans la cellule où on l’avait enfermé. Négligeant d’étranges coïncidences, les enquêteurs auront tôt fait de classer l’affaire, laissant à la rumeur publique le soin de trancher. Vingt ans plus tard, alors qu’il se rend dans la petite ville frontalière, Jean-François Lartigue, commissaire au SRPJ de Reims, ne se doute pas qu’il va se retrouver intimement mêlé à cette vieille affaire. Beaucoup d’eau, pourtant, a coulé depuis sous le pont de Meuse. Mais il y a des blessures que le temps ne suffit pas à cicatriser. Et cela d’autant plus que c’est sur son propre passé qu’il viendra à buter…

Fiche

Année
1999
Édition
Luce Wilquin

Extrait

La main du commissaire Lartigue était retombée lourdement sur la table, sans lâcher la lettre qu’il venait de lire. Il avait aussitôt détourné les yeux et son regard, encore rempli de surprise, avait erré un moment devant lui, avant de s’abandonner par la fenêtre aux miroitements des eaux bleutées de la Meuse.
Quelques images floues, mêlées à de troubles sensations, refluaient déjà de sa mémoire, lorsque le quai commença de s’assombrir. Un nuage passait, qui peu à peu lui dévoila sa silhouette dans le reflet de la vitre.
Cette apparition inopinée l’avait d’abord contrarié, et il n’y avait guère prêté d’attention. Puis, comme les traits de son visage ne cessaient de se préciser, il se surprit à le scruter, malgré lui, presque avec défiance.
L’homme qui s’interposait ainsi entre le fleuve et lui l’intriguait. Il avait la tête légèrement inclinée, comme un enfant à l’affût de la face cachée du monde, et à force de l’observer il éprouva le sentiment déplaisant que quelque chose dans ce double lui échappait.
Cette étrange confrontation ne dura que quelques instants, le temps d’un malaise vague et fugace que dissipa la réapparition du soleil. Et renouant avec le cours du fleuve, il se sentit emporté par un flot de souvenirs épars qu’il s’efforça de rassembler.
C’est alors qu’émergeant des profondeurs de l’oubli, le fil des événements se reconstitua et que, d’un seul coup, il se retrouva plongé dans la nuit.

Les premières lignes de La nuit du passage (Editions Luce Wilquin, 1999)