Je vous fais visiter l'appartement ?

Grâce à une clé obtenue par son ami Bruno chargé de vendre un appartement pour le compte d’une agence immobilière, Alex, détenu en congé pénitentiaire, débarque dans ce qu’il pense être un nid d’amour pour y passer « un week-end de liberté » en compagnie de Florence, l’élue de son cœur. Alors qu’ils pensaient tous deux y être seuls au monde comme tous les amoureux, ils vont s’y retrouver cloîtrés, victimes du va-et-vient de trois autres couples : Sylvie et Max, Claire et François et celui formé par la propriétaire, Juliette et son amant…Bruno. Pire : à son corps défendant, Alex, qui n’a plus que deux mois à purger avant sa libération, va se retrouver mêlé à une sombre affaire de trafic de faux billets, orchestrée, semble-t-il par Max qui le prend pour le véritable propriétaire de l’appartement. De quoi occulter un avenir qui s’annonçait souriant…

Fiche

Année
2006
Édition
Art et Comédie
Production
Compagnie des Sources, Péruwelz

Extrait

ACTE 1

SC. 1 : ALEX ET FLORENCE

(Alex entre par le fond, côté jardin.)
ALEX – Nous y voilà. (Il parcourt des yeux l’appartement, tenant en main des clés.) Pas mal, cette piaule ! Alex, je sens que tu vas passer un bon week-end…un week-end de liberté, bien tranquille. (Il se tourne vers la porte et crie.) Tu peux venir, c’est calme !
FLORENCE (rentrant et se précipitant dans ses bras) – Enfin, un week-end à nous deux. Tu es sûr qu’on ne risque rien ?
ALEX – Rien. Les proprios ne rentreront pas avant dimanche soir, ça nous laisse plus de deux jours pour en profiter.
FLORENCE – Et dans deux mois, la liberté…totale.
ALEX – Totale, mon ange, finis les congés pénitentiaires, terminées aussi les magouilles de Bruno.
FLORENCE – Tu as de la chance d’avoir un copain dans une agence immobilière.
ALEX (agitant les clés et les déposant sur le bureau) – De la chance, oui, mais le service n’est pas gratuit.
FLORENCE – Mais tu es vraiment sûr qu’on ne risque rien ?
ALEX – Rien, je te dis. Les proprios sont partis en week-end et Bruno possède le double des clefs pour faire visiter l’appartement puisqu’ils veulent le vendre.
FLORENCE – Bien. Profitons-en alors. Nous ne sommes pas les propriétaires mais je vais quand même faire le tour…de la propriétaire. (Elle sort dans le fond, côté cour.)
ALEX (souriant) – Tant qu’il y a une chambre…
FLORENCE (revenant) – Il y a une grande cuisine. Je vais voir par là. (Elle sort à l’avant-plan, côté cour.)
ALEX – On s’fera une petite bouffe, histoire de recharger les batteries, mais tant qu’il y a une chambre…
FLORENCE (revenant) – Par là, c’est la chambre et puis la salle de bains.
ALEX – C’est bien ce que je disais : tant qu’il y a une chambre…et une baignoire olympique pour un bain de minuit à deux.
FLORENCE (regardant côté jardin, à l’avant-plan) – Et là, ce sont les toilettes, mais elles sont petites. Il y a aussi un w.-c. dans la salle de bains.
ALEX – En cas de besoin, si j’ose dire.
FLORENCE (se blottissant contre lui) – Ah ! un week-end en amoureux, un week-end de liberté, rien qu’à nous deux, mon Alex !
ALEX – Un week-end de liberté…rien qu’avec moi, je laisse tomber les fausses identités utilisées pour mes escroqueries.
FLORENCE – Quand je t’ai connu, tu te faisais appeler Frank Lupin.
ALEX – En hommage à Arsène… (Ils rient, complices.)
FLORENCE – Et tu sortais déjà de prison pour ton premier week-end de liberté.
ALEX – Je n’allais évidemment pas te l’avouer, ni te révéler ma véritable identité…question d’habitude.
FLORENCE – A deux mois de ta libération, maintenant : plus de risques, on en prend déjà suffisamment en se retrouvant ici…
ALEX (souriant) – En séjour illégal.
FLORENCE – Et je veux passer un week-end tranquille, rien qu’avec toi, pas besoin de ceux pour qui tu t’es fait passer : pas de Didier Lefort, Julien Lambert ou Philippe Gilbert…
ALEX – Tu en oublies…
FLORENCE – Rien que mon Alex pour un week-end à nous deux.
ALEX – Rien qu’à deux, rien que toi et moi, ma Florence, promis !
(On sonne à la porte.)
FLORENCE – On sonne ! Tu attends quelqu’un ?
ALEX – Mais enfin, réfléchis ! Comment veux-tu que j’attende quelqu’un puisque je ne suis pas chez moi et que l’appartement est censé être inoccupé.
FLORENCE – Mais qu’est-ce qu’on va faire ?
ALEX – Est-ce que je sais, moi ?
(On sonne à nouveau. Alex fait signe à Florence de se taire et d’aller dans la chambre. Elle sort. Il va ouvrir, embarrassé.)

SC. 2 : ALEX ET MAX PUIS FLORENCE

MAX – Bonjour, je peux entrer ?
ALEX - ….Heu…oui…mais…
MAX (rentrant d’un pas décidé) – Allons-y alors, le plus tôt sera le mieux.
ALEX (de plus en plus embarrassé) – Mais…mais...attendez, où allez-vous ?
MAX – Chez vous.
ALEX - ….Chez…moi.
MAX – Vous vous appelez bien Jacques Russel ?
ALEX – Heu… je…mais vous avez sonné, vous avez quand même vu le nom affiché sur la sonnette… ?
MAX – Le nom affiché, c’est Jacques Russel.
ALEX – Eh bien alors, je m’appelle Jacques Russel, pourquoi voudriez-vous que je m’appelle autrement ?
MAX – Je prends mes précautions, on ne sait jamais.
ALEX – On ne sait jamais ?
MAX – Oui, au cas bien improbable où vous ne vous appelleriez pas Jacques Russel, je prendrais des risques et vous encore plus.
ALEX – Moi…encore plus ?
MAX – Oui ! Mettez-vous à ma place : si nous parlons disons affaires et que vous n’êtes pas Jacques Russel, qu’est-ce que vous faites ?
ALEX – A votre place ? Mais je ne sais pas moi !
MAX – Vous devenez un témoin gênant. Sacré Jacques…Vous permettez que je vous appelle Jacques, n’est-ce pas ?
ALEX – Mais ne vous gênez surtout pas.
MAX – Surtout que nous allons travailler ensemble.
ALEX – Travailler ensemble ?
MAX – Mais oui, je suis votre nouveau voisin de palier, je viens d’emménager ce matin.
ALEX – Vous aussi ?
MAX – Pourquoi « moi aussi » ?
ALEX – Mais non…non…qu’est-ce que je raconte, moi ! vous allez croire que je viens d’emménager ici alors que…
MAX – Alors que ?
ALEX – J’habite ici depuis…au moins…enfin…oui, même plus longtemps encore.
MAX – Sacré Jacques, vous êtes prudent, je comprends. Je remplace Pierrot.
ALEX – Vous remplacez Pierrot ?
MAX – Pierrot, votre ancien voisin…je suis le nouveau.
ALEX – Ah oui, Pierrot, suis-je bête…il m’avait dit qu’il allait déménager…
MAX – En taule.
ALEX – En taule ?
MAX – En taule, oui, mais ne crains rien, il a été pris pour une autre affaire que notre petit trafic.
ALEX - …. Notre petit trafic ?
MAX – Toujours prudent, sacré Jacques !
ALEX– Heu…oui…qu’est-ce que vous voulez, s’il est en prison…
MAX – Mais ne t’en fais pas, il ne crachera pas le morceau, surtout que les poulets n’ont aucune raison de penser à autre chose.
ALEX – Eh bien, tant mieux, parce que moi, la prison…
MAX – T’as déjà donné, je sais.
ALEX – Comment ça, vous savez ?
MAX – Pierrot m’a raconté que t’avais passé un an à l’ombre.
ALEX – Ah ! il a dit ça, Pierrot ?
MAX – Mais rassure-toi, il n’y a qu’avec moi qu’il cause, il n’est pas du genre à se mettre à table…surtout pour manger du poulet. (Il se met à rire, Alex rit également un peu gêné.) Elle est bonne, hein ?
ALEX – Oui, elle est bonne.
MAX – Tu peux m’appeler Max, tu sais.
ALEX – Comme tu veux…Max.
MAX – Et Juliette ?
ALEX – Juliette ?
MAX – Mais oui, ta femme, ta poule, quoi !
ALEX – Elle est à côté.
MAX – Dans la basse-cour ?
ALEX (étonné) - Dans la basse-cour ?
MAX – Mais oui, ta poule, elle est dans la basse-cour. (Il se met à rire en imitant une poule.) Elle est bonne, hein ?
ALEX (avec un sourire forcé) – Elle est bonne.
MAX – Appelle-la que je fasse sa connaissance.
ALEX – Mais…je….
MAX – Allez ! appelle-la, on va quand même travailler tous ensemble…appelle-la, j’te dis.
ALEX (se dirigeant lentement vers la porte de la chambre et l’ouvrant) – Tu …tu peux venir une seconde ?
FLORENCE – Me voilà…mon chéri.
MAX – Alors, comme ça, voilà Juliette ! (Elle se retourne, pensant qu’une autre personne se trouve derrière elle).
ALEX – Mais viens, Juliette…Juliette ! (Il la présente.)
FLORENCE – Juliette ?
MAX – Et votre Roméo s’appelle Jacques ? (Il se met à rire.) Elle est bonne, hein ?
ALEX – Elle est bonne. (Florence interroge Alex du regard.)
MAX – A moins que Jacques ne roule en Alfa…Roméo ? (Il se met à rire.) Elle est bonne, hein ?
ALEX – Elle est bonne, Max, elle est bonne. (Florence, de plus en plus perplexe, regarde Alex.)
FLORENCE – Ce monsieur s’appelle Max ?
ALEX (en aparté) – Hélas !
FLORENCE (même jeu) – Mais pourquoi m ‘appelle-t-il Juliette ?
ALEX (idem) – Je t’expliquerai tout à l’heure, mais le week-end bien tranquille, il est parti à cent à l’heure, crois-moi. En tout cas, pour l’instant, tu t’appelles Juliette et moi Jacques, c’est compris ?
MAX – Pierrot ne m’avait pas menti : vous êtes ravissante, Juliette, une femme de tempérament.
FLORENCE – Qu’est-ce que vous appelez de tempérament ?
MAX – Simple remarque…physique. (Il s’approche d’elle, elle recule.)
ALEX – Sacré Max, je vous vois venir.
MAX – Vous avez de bons yeux alors. (Il se met à rire.) Elle est bonne, hein ?
ALEX – Elle est bonne, Max, elle est bonne. (Florence interroge Alex du regard.)
FLORENCE (à Alex) – Il ne serait pas un peu demeuré ?
MAX – Pardon ?
ALEX – Elle demande où vous demeurez…enfin, où tu demeures.
MAX – A dix mètres, Juliette, sur le palier.
FLORENCE (qui n’a pas bien saisi) – Sur le palier ?
ALEX – Max est notre nouveau voisin…de palier…à dix mètres…à gauche en sortant de l’ascenseur…nous, on tourne à droite, lui c’est le contraire.
MAX – Je remplace Pierrot.
FLORENCE – Pierrot ?
ALEX – Notre ancien voisin (Il donne un coup de coude à Florence.)…tu n’as pas déjà oublié Pierrot, Flo…heu Juliette ?
FLORENCE (comprenant) – Pierrot ? … Ah, Pierrot ! Il a déménagé ?
MAX – En taule, et comme je le connais, il doit avoir un air renfermé. (Il se met à rire.) Elle est bonne, hein ?
ALEX – Elle est bonne, Max, elle est bonne. (Florence interroge Alex du regard.)
FLORENCE (à Jacques) – C’est pénible.
ALEX – Et encore, tu en as raté quelques-unes !
MAX – Alors, vous avez le colis ?
ALEX – Le colis ?
MAX – Mais oui, les deux briques, quoi !
FLORENCE – Les deux briques ?
ALEX (à Florence) – Oui, Monsieur…enfin, Max pense que je travaille dans le bâtiment.
MAX – Les deux briques…dans le bâtiment… (Il se met à rire.) elle est bonne, Jacques, elle est bonne.
ALEX – Vous me flattez, Max.
MAX – Allez, allez !
ALEX - Si, si, venant d’un spécialiste comme vous, c’est un beau compliment.
FLORENCE – Je dirais même plus : un très beau compliment. Mais Max, c’est quoi au juste vos deux briques ?
MAX – Vous me faites marcher là ?
FLORENCE – Non, non, mais on ne vous connaît pas, on veut juste s’assurer qu’on ne risque rien.
ALEX (en aparté, à Florence) – Tu fais des progrès, dis donc !
FLORENCE (même jeu) – Mais tu ne vas pas me dire que tu ne comprends pas où il veut en venir ?
ALEX (idem) – Tu me jettes mon passé à la figure, c’est délicat. Mais si, je comprends très bien où il veut en venir hélas !
FLORENCE (à Max) – Nous sommes convaincus, Max, rassurez-vous, mais une dernière précaution malgré tout : comment devons-nous vous les remettre ces deux briques ?
MAX – Comme vous faisiez avec Pierrot, dans un sac de sport.
ALEX – Et je me les procurais comment ?
MAX – Ça, c’est ton affaire, la fausse monnaie, c’est comme la blanche, moins on en sait, moins on peut remonter la filière.
FLORENCE – Bien parlé, Max, bien parlé !
ALEX (en aparté, à Florence) – De la fausse monnaie, à deux mois de ma libération, je vais en prendre pour un max.
FLORENCE (même jeu, à Alex) – Et que fait-on avec ton Max ?
ALEX (même jeu, à Florence) – Pour l’instant, on le flanque dehors.
MAX – Alors les tourtereaux, qu’est-ce qu’on mijote ? Un bon plat ? (Il se met à rire.) Elle est bonne, hein ?
ALEX – Elle est bonne, Max, elle est bonne. Mais à propos de tourtereaux justement, figure-toi que nous fêtons notre anniversaire de mariage…
MAX – Non ?
FLORENCE – Si !
ALEX (enlaçant Florence) – Et nous voudrions un peu d’intimité, tu comprends ?
FLORENCE (serrant Alex) – Oh, oui !
MAX – Je comprends, je comprends, donnez-moi le colis et je pars tout de suite.
ALEX -…. Mais nous ne l’avons pas encore, Max.
MAX – Mais je le livre dans deux heures au plus tard !
ALEX – On va aller le chercher, mais d’abord, nous voudrions…
FLORENCE (le serrant encore plus fort) – Oh, oui.
MAX – Je comprends mais je reviens le chercher dans une bonne heure, OK ?
ALEX - O.K, Max, OK.
MAX – Je vous laisse roucouler alors, bye ! (Il sort.)
ALEX - Il nous laisse roucouler mais ce sera moi le pigeon de l’histoire. Quel con ! (Il l’imite.) Elle est bonne, hein ! nous sommes tombés sur un champion du monde.
FLORENCE – Mais qu’est-ce qu’on va faire ?
MAX – On file à l’anglaise, ce qui ne devrait pas poser de problèmes puisqu’il croit que nous allons sortir pour aller chercher la marchandise…ou alors…
FLORENCE – Ou alors ?
ALEX - On jette un coup d’œil dans l’appartement, l’argent est peut-être ici... Si je balance leur trafic, ça me vaudrait sans doute quelques belles années d’impunité.
FLORENCE – Moi, si tu le permets, je vais d’abord aux toilettes…même si elles sont petites.
ALEX – Ce n’est pas grave, on n’y va jamais à plusieurs.
(On entend du bruit, un homme rentre. Florence et Alex s’engouffrent précipitamment dans les toilettes.)

SC. 3 : CLAIRE ET FRANÇOIS

FRANÇOIS (en voix off) - Attention à la marche ! Viens, Claire.
CLAIRE (en voix off) – Mais où sommes-nous ?
FRANÇOIS (rentrant) – Allez, viens, Claire ! Il n’y a personne, détends-toi.
CLAIRE (depuis l’extérieur) – Tu es sûr ?
FRANÇOIS – Mais oui, rassure-toi.
CLAIRE (rentrant, le visage caché par un foulard et portant des lunettes sombres) – Vraiment sûr ?
FRANÇOIS – Plus que sûr, certain.
CLAIRE (venant se blottir dans ses bras) – Je ne suis pas à l’aise, François.
FRANÇOIS – C’est sans risques, je te dis. Nous sommes seuls, personne pour nous voir ou nous entendre et nous ne verrons ni n’entendrons personne, non plus !
(On entend un bruit de chasse d’eau.)
CLAIRE – N’entendre personne ? Pas tellement bien insonorisé, cet appartement, je ne suis pas rassurée, François.
FRANÇOIS – Du calme, vérifie par toi-même, il n’y a personne. (Elle hésite.) Tu peux faire le tour du propriétaire, il n’y a personne, je te dis. (Elle sort dans le fond, côté cour. Il sourit.) Il y a surtout une chambre, c’est l’essentiel.
CLAIRE (revenant) – Vous les hommes, vous êtes tous pareils. Il y a une grande cuisine. Je vais voir par là. (Elle sort à l’avant-plan, côté cour.)
FRANÇOIS – On peut se faire une petite bouffe, mais tant qu’il y a une chambre…
CLAIRE (revenant) – Par là, c’est la chambre et puis la salle de bains.
FRANÇOIS – C’est bien ce que je disais, on en revient à l’essentiel : tant qu’il y a une chambre…et une petite douche en commun, ça ne peut pas faire de tort.
CLAIRE (regardant côté jardin, à l’avant-plan) – Et là, ce sont sans doute les toilettes… mais elles sont fermées. Mais en cas de besoin, il y a un w.-c. dans la salle de bains.
FRANÇOIS – Te voilà rassurée.
CLAIRE – Pas encore.
FRANÇOIS – Pas encore ?
CLAIRE – Mets-toi à ma place : c’est la première fois que je trompe mon mari. Et puis, je m’attendais à aller à l’hôtel. Que faisons-nous ici ?
FRANÇOIS – Figure-toi que les proprios veulent vendre, j’ai donc visité le week-end dernier l’appartement mais l’employé de l’agence immobilière a été appelé pendant la visite. Il a dû partir précipitamment en me laissant la clé qu’il m’a chargé de redéposer à l’agence quand j’aurais terminé la visite.
CLAIRE – Ce que tu as fait mais après avoir fait une copie de la clé, c’est ça ?
FRANÇOIS (sortant les clés de sa poche) – Je me suis dit effectivement que ça pourrait servir, la preuve : nous sommes là. (Il dépose les clefs sur le bureau.) Tiens, il y a déjà un jeu de clés.
CLAIRE – Nous sommes là mais dans une illégalité pire que si nous étions à l’hôtel, je ne suis vraiment pas rassurée.
FRANÇOIS – On ne risque rien, je te le dis et je te le répète, les proprios partent en week-end …. chaque week-end, ce qui nous laisse le champ libre. (Puis venant l’enlacer.) Tu ne crois pas que tu pourrais enlever ton foulard et tes lunettes ?
CLAIRE – Si, mais dans la chambre seulement.
FRANÇOIS – Si c’est une proposition malhonnête, je te suis. (Ils se dirigent vers la chambre, on sonne.)
CLAIRE – Mais qu’est-ce que ça peut-être ? François, j’ai peur, tu attends quelqu’un ?
FRANÇOIS – J’attends quelqu’un… alors que je ne suis pas chez moi.
CLAIRE – Tu vois, l’angoisse me fait dire des bêtises.
(On sonne à nouveau. On entend une voix féminine : « Allez, ouvrez, je sais que vous êtes là. », Claire panique.) C’est la police ! On sait que je suis là. Je suis perdue. Mon mari va me faire mettre en prison !
FRANÇOIS – Mais non ! Tu te fais déjà tout un feuilleton pour un simple coup de sonnette. File à côté, je vais aller ouvrir. (Elle sort, côté cour, à l’avant-plan. Il va ouvrir.)

SC. 4 : SYLVIE ET FRANÇOIS PUIS CLAIRE

SYLVIE (rentrant d’un pas décidé) – Max n’est pas là ?
FRANÇOIS – Max ?
SYLVIE – Il sera parti faire une course…. Je suis Sylvie, sa femme. Et vous, vous vous appelez donc Jacques, c’est ça ?
FRANÇOIS (embarrassé) – Heu…oui, c’est ça.
SYLVIE – Jacques Russel.
FRANÇOIS – Jacques…Russel, comme vous dites.
SYLVIE – Hé oui, les nouveaux voisins, c’est nous !
FRANÇOIS – Les nouveaux voisins ?
SYLVIE – Nous prenons la succession de Pierrot.
FRANÇOIS – La succession ? Le pauvre, il est décédé ?
SYLVIE (riant et s’asseyant) – Comme dit Max, elle est bonne, Jacques, elle est bonne.
FRANÇOIS – Mais…prendre la succession….
SYLVIE – Ouais, elle est vraiment bonne….on a pris la succession de Pierrot… dans l’autre appartement sur le palier….quand je vais raconter ça à Max.
FRANÇOIS (venant s’asseoir également) – Ah oui, suis-je bête, la succession, pourquoi ai-je pensé ça ?
SYLVIE – D’autant que vous aviez vu Max et qu’il a forcément dû se présenter comme le nouveau voisin…qui a succédé à….
FRANÇOIS – A Pierrot, bien sûr, il nous l’a dit….comment ai-je pu l’oublier ? Ce doit être vous qui me troublez, Sylvie.
SYLVIE – Vous me flattez, Jacques….alors comme ça, je vous trouble…je ne dis pas non, Jacques. (Elle se rapproche de lui et place la main sur sa cuisse.)
FRANÇOIS (surpris et gêné) – Vous ne dites pas non ?
SYLVIE (langoureusement) – Vous êtes très séduisant, Jacques.
FRANÇOIS (embarrassé) – Mais….mais….vous aussi, vous êtes très séduisante, Sylvie mais… (Il se relève.)
SYLVIE – Mais votre femme est là, n’est-ce pas ?
FRANÇOIS – Heu…oui.
SYLVIE – Nous aurons bientôt une occasion, Jacques.
FRANÇOIS (de plus en plus embarrassé) – …Bien sûr….alors comme ça, vous remplacez Pierrot. Il a déménagé ?
SYLVIE – Déménagé ? (Elle se met à rire.) Elle est bonne, Jacques, elle est bonne….comme si Max ne vous avait pas mis au courant….
FRANÇOIS – Oui, elle était bonne…si bien sûr, Max m’a mis au courant que…
SYLVIE – Que Pierrot ne risquait pas de bronzer.
FRANÇOIS – Il ne risque pas de bronzer ?
SYLVIE – Oui, vu qu’il est à l’ombre. (Elle se met à rire.) Elle est bonne, hein ? A l’ombre…bronzer…quand je vais la raconter à Max.
FRANÇOIS – Ah oui, connaissant Max…
SYLVIE – Allez ! présente-moi la future cocue.
FRANÇOIS – La future cocue ?
SYLVIE – Oui, ta femme… (Elle se rapproche de lui.)…l’occasion se présentera bien vite, tu verras.
FRANÇOIS – Ah oui, l’occasion….je vais appeler…
SYLVIE – Juliette, c’est ça ? Quand il parlait de ta femme, Pierrot l’appelait Juliette.
FRANÇOIS – Alors, je vais appeler….Juliette. (Il se dirige vers la porte de la salle de bains.) Tu peux venir. (Claire sort prudemment.)
SYLVIE – Voilà Juliette. (Claire sursaute et regarde derrière elle.)
FRANÇOIS (à Sylvie) – Elle est très nerveuse en ce moment.
SYLVIE (à Claire) – Vous alliez sortir ?
CLAIRE – Oh oui ! j’allais sortir.
SYLVIE – Je me disais aussi : un foulard sur la tête et des lunettes noires.
FRANÇOIS – Elle…elle perd ses cheveux et elle a de la conjonctivite, n’est-ce pas Juliette ?
CLAIRE – Mais qu’est-ce qui te prend ?
SYLVIE – Mais oui, Jacques, voyons, on ne révèle pas les petits problèmes d’une femme.
CLAIRE (étonnée) – Jacques ?
FRANÇOIS (à Claire, en aparté) – Claire, je m’appelle Jacques et toi, Juliette, c’est clair ?
CLAIRE (sanglotant) – Justement, c’est Claire, pas Juliette !
SYLVIE – Quelque chose ne va pas ?
FRANÇOIS – Non, ça va, elle est simplement très nerveuse en ce moment.
SYLVIE – Ah oui, pour être nerveuse, elle est nerveuse, c’est clair !
CLAIRE (même jeu) – Justement, c’est Claire….je vais craquer….je sens que je vais craquer.
SYLVIE – Bien, alors, je vais vous laisser.
CLAIRE – C’est ça, laissez-nous madame, s’il vous plaît !
SYLVIE – A plus tard, à une prochaine occasion, Jacques !
FRANÇOIS – C’est ça, à une prochaine….occasion, Sylvie.
SYLVIE (en aparté, à François) – T’es pas gâté avec elle, hein Jacques ?
FRANÇOIS – Non, en effet, au revoir Sylvie. (Elle veut sortir mais remarque les clés sur le bureau.)
SYLVIE (en aparté) – La voilà, l’occasion….des clés pour revenir quand je voudrai, tu me plais Jacques.
(Elle sort.)
CLAIRE – Nous sommes dans de beaux draps.
FRANÇOIS – Non, pas encore, mais si nous y allions ? (Il l’entraîne vers la chambre.)
CLAIRE (s’arrêtant) – Me retrouver sous les draps avec toi, tu rêves !
FRANÇOIS – Mais, voyons Claire, ce n’est quand même pas à cause de cette femme que…
CLAIRE – Elle ne perd pas ses cheveux et n’a pas de conjonctivite au moins, elle !
FRANÇOIS – Mais enfin, ma chérie !
CLAIRE – N’essaie pas de m’attendrir, ça ne marche pas.
FRANÇOIS – Mais il n’est pas question de t’attendrir….j’ai simplement envie de toi, Claire.
CLAIRE – Eh bien moi, je n’en ai plus envie, François, je n’ai qu’une envie : partir.
FRANÇOIS – Mais enfin, chérie, tu veux que nous allions à l’hôtel ?
CLAIRE – Pas plus à l’hôtel qu’ici, je rentre chez moi….comme une femme fidèle qui allait faire une bêtise.
FRANÇOIS – Une bêtise, une bêtise, allons, allons !
CLAIRE – J’y vais, François et ne cherche plus à me revoir.
FRANÇOIS – Mais enfin, Claire, voyons, tout ça à cause de la voisine.
CLAIRE – Adieu, François.
(On entend des voix, un couple rentre. François et Claire s’engouffrent précipitamment dans la chambre.)

SC. 5 : BRUNO ET JULIETTE PUIS FRANÇOIS ET CLAIRE

JULIETTE (en voix off) – Mais tu me marches sur les pieds !
BRUNO (même jeu) – Pardonne-moi, ma chérie.
JULIETTE (idem) – Mais laisse-moi passer, voyons.
BRUNO (idem) – Non, j’y vais d’abord. (Ils rentrent finalement en même temps. Bruno jette des coups d’œil inquiets autour de lui.)
JULIETTE – Qu’est-ce que tu croyais ? Qu’il serait déjà revenu ?
BRUNO – On ne sait jamais, Juliette, on ne sait jamais !
JULIETTE – Ecoute, Bruno, il a deux cents km à faire et je suis partie la première. De toute façon, il n’a pas envie de rentrer.
BRUNO – Qu’en sais-tu ? S’il tient à toi, il va revenir.
(Elle compose un numéro sur son portable.)
JULIETTE – Tenir à moi ? Depuis que je suis partie, il n’a même pas essayé de me contacter. Et ici, j’ai droit à sa boîte vocale, j’ai le droit de parler après son bip sonore. Attends mon gaillard !…Jacques ? C’est moi, Juliette. Si je suis partie, c’est parce que c’est bel et bien fini entre nous. Après le bip sonore, considère, Jacques Russell, que tu ne fais plus partie ni de mes projets, ni de ma vie (Elle hurle.) Biiiiiiiip ! (Puis se retournant vers Bruno.) Et toc !
BRUNO (inquiet, il était allé voir dans la cuisine) – Et toc ! comme tu dis.
(Puis en aparté.) Alex se cache ici avec sa maîtresse. Logiquement, puisqu’il n’est pas dans la cuisine, il doit se trouver dans la chambre.
JULIETTE – Je vais aller me refaire une beauté, je suis horriblement décoiffée.
BRUNO (s’interposant) – Toi, te refaire une beauté ? Mais tu es merveilleuse, mon ange, tout simplement merveilleuse.
JULIETTE – Flatteur, va ! Tu sais parler aux femmes. Tu n’as pas envie de m’accompagner dans la chambre ?
BRUNO – Dans la chambre ? (Juliette s’y dirige, Bruno l’arrête.) Non, pas dans la chambre. Je la connais par cœur à force de la faire visiter. Et si ton mari revient et qu’il nous surprend ? Il nous abattra comme des chiens. Et puis, la chambre, finalement, c’est trop classique.
JULIETTE – Trop classique ?
BRUNO – Oui, c’est comme l’hôtel, c’était toujours dans une chambre. Si on essayait autre chose ?
JULIETTE – Autre chose ?…. Oh oui ! bats-moi, frappe-moi !
BRUNO (d’abord surpris puis ravi) -….Je…je ne te connaissais pas ces goûts masochistes. Nous allons bien nous amuser. (Il ôte sa ceinture, jette un coup d’œil vers la chambre puis, en aparté.) Ah, non ! c’est vrai, pas ici ! (A Juliette.) Va dans la cuisine, je te rejoins dans deux minutes et à nous le grand jeu !
JULIETTE – Oh oui ! Grand fou !
(Elle part dans la cuisine en ayant pris sa ceinture et sort par le fond, côté cour. Bruno vient près de la porte de la chambre.)
BRUNO - Alex, sors, je sais que tu es là….Alex, tu veux que je vienne te chercher ? (François sort très lentement, Bruno est d’abord surpris.) Mais ce n’est pas Alex ! Mais qu’est-ce que vous faites là, vous ? Mais je vous reconnais, je vous ai fait visiter l’appartement le week-end dernier.
FRANÇOIS – …Heu…oui…mais je vais tout vous expliquer.
BRUNO – Vous avez intérêt si vous ne voulez pas que j’appelle la police !
CLAIRE (surgissant) – Non, je vous en prie, monsieur, ne faites pas ça ! (Elle se jette à ses pieds, sanglotant et s’agrippant à son pantalon que Bruno retient comme il le peut.)
BRUNO – Mais qu’est-ce que c’est que ce cirque ! Je suis ici avec la propriétaire…
FRANÇOIS – Nous sommes au courant, nous avons tout entendu.
BRUNO – Vous croyez que ça change quelque chose ? Je suis son amant et alors, c’est un crime ? Je vais aller la chercher.
CLAIRE – Non, je vous en prie, je suis une honnête femme, c’est lui qui m’a entraînée.
BRUNO – Je l’appelle, je vous l’ai dit et nous allons tirer les choses au clair.
CLAIRE (sanglotant en tirant de plus belle sur le pantalon) – Oui, c’est Claire, c’est pas Juliette !
BRUNO – Qu’est-ce qu’elle raconte ?
FRANÇOIS – Elle ne sait plus ce qu’elle dit, par contre, moi je sais ce que je vais lui dire à votre Juliette si vous l’appelez : que vous louez son appartement à des couples illégitimes pendant qu’elle est en week-end et que vous vous faites un tas de fric dans son dos.
BRUNO (perturbé, il lâche son pantalon qui se retrouve sur ses chevilles) – Que….Comment êtes-vous au courant ?
FRANÇOIS (étonné, en aparté) – Ah ! c’était vrai ? Eh bien, François, tu as mis dans le mille !
(On entend la voix de Juliette : « Bruno ! Bruno ! ». François et Claire rentrent précipitamment dans la chambre laissant Bruno en caleçon)
JULIETTE – Alors, Bruno chéri, tu viens ? Tu parlais tout seul ?
BRUNO (relevant son pantalon) – Non, je….je…je me mettais en condition.
JULIETTE – Tu n’as pas l’air dans ton assiette, raison de plus d’aller dans la cuisine. Elle est bonne, hein ?
BRUNO – Elle est bonne, Juliette, elle est bonne. (Il se laisse entraîner dans la cuisine.)

SC. 6 : ALEX, FLORENCE, CLAIRE ET FRANÇOIS

(Après le départ de Bruno et Juliette, les deux couples sortent de leur cachette, les hommes faisant signe aux femmes de se taire. Ils se retrouvent d’abord dos à dos puis, face à face, surpris.)
ALEX – …Heu… bonjour !
FRANÇOIS – Heu…bonjour !
ALEX (à Florence) – Chérie, dis bonjour.
FRANÇOIS (à Claire) – Dis bonjour, ma chérie.
FLORENCE ET CLAIRE (en chœur) – Bonjour !
FRANÇOIS ET ALEX (en chœur, après un moment d’hésitation) - …Vous… (Ils s’arrêtent, embarrassés.)
ALEX – Vous…Vous visitez l’appartement vous aussi ?
FRANÇOIS – L’appartement ? … Oui, oui, et vous ?
FLORENCE – J’avais un besoin pressant, j’étais aux toilettes.
FRANÇOIS – Avec Monsieur ?
ALEX – Heu…oui…j’avais un petit besoin moi aussi.
CLAIRE (en aparté) – Et moi, j’ai besoin de sortir.
FRANÇOIS – Alors, comme ça, vous allez aux toilettes ensemble ?
ALEX – Heu…oui, nous ne nous lâchons pas d’une semelle.
FLORENCE – Nous formons un couple très soudé, vous savez.
(Claire fait tout pour ne pas regarder dans leur direction.)
FRANÇOIS – C’est un bel appartement, n’est-ce pas ? Très spacieux.
ALEX – Oui, pour l’acheter, il ne faut pas être… dans le besoin….
FLORENCE – Oui, il faut de l’argent, pour l’acheter !
ALEX (réfléchissant à haute voix) – Mon Dieu ! les faux billets, j’oubliais les faux billets !
FRANÇOIS – Pardon ?
FLORENCE – Heu…Des faux billets….il disait qu’il faudrait des faux billets pour payer, ce serait plus simple.
ALEX (en aparté) – J’ai plutôt l’impression que ça ne fait que se compliquer.
CLAIRE (à François) – Si nous y allions, mon chéri ?
FRANÇOIS – Oui, nous y allons, maintenant que notre visite est terminée.
FLORENCE (à Claire) – Mais je vous connais, vous madame !
CLAIRE (très troublée) – Heu…moi ? Mais non ! C’est impossible !
FLORENCE – Claire ! Vous vous appelez Claire ! Nous fréquentons le même salon de coiffure, c’est là que je vous ai vue. Et le coiffeur vous appelle par votre prénom. D’ailleurs, vous vous cachez avec votre foulard et vos lunettes noires.
CLAIRE (même jeu) – Je…Je perds mes cheveux et j’ai de la conjonctivite.
FLORENCE (en aparté) – Elle a de la conjonctivite, mon œil !
ALEX (en aparté à Florence) – Mais, enfin, pourquoi lui dis-tu des choses pareilles ? Laisse-les partir.
FLORENCE (même jeu) – Je t’expliquerai, j’ai un œuf à peler avec elle.
CLAIRE (en aparté à François) – Tu vois, j’ai été reconnue, quel déshonneur ! Mon mari va être au courant, elle va me faire chanter !
FRANÇOIS (même jeu, à Claire) – Mais non, mais non !
CLAIRE (même jeu, à François et sanglotant) – Mais si, mais si !
FRANÇOIS (même jeu, à Claire) – Calme-toi, ils vont se douter de quelque chose. (Même jeu, pour lui-même.) Bizarre, ce type, j’ai l’impression de le connaître.
CLAIRE (fondant en larmes) – Je suis une criminelle !
ALEX (s’avançant) – Ça ne va pas, madame ?
FRANÇOIS – Si, si, mais elle est très nerveuse en ce moment…. mais ce n’est qu’une crise passagère.
FLORENCE – Nerveuse aussi, elle n’a pas de chance….Alors, comme ça, vous visitiez ?
FRANÇOIS – Nous…nous visitions en effet, mais nous avions terminé….la visite (En aparté, à Claire.) pas le reste, on n’avait même pas commencé….
CLAIRE (même jeu, sanglotant) – Salaud !
FRANÇOIS – La visite étant terminée, nous allons sortir.
CLAIRE – Oh oui, sortons, je n’en peux plus.
FLORENCE – C’est ça et profitez-en pour aller chez le coiffeur...c’est radical pour la perte des cheveux…la perte de mémoire aussi, d’ailleurs…sans oublier la conjonctivite, bien sûr.
ALEX – Florence, ne taquine pas madame, voyons, elle n’est pas bien.
CLAIRE (sanglotant) – Non, je ne suis pas bien…mais qu’est-ce que je suis venue faire ici !
FLORENCE – Vous avez l’intention d’acheter l’appartement ?
FRANÇOIS – Heu…non, il est trop petit et ma…ma femme est claustrophobe, elle se sent oppressée.
CLAIRE (en aparté, sanglotant toujours) – Oppressée mais surtout pressée…pressée de partir.
FLORENCE – Claustrophobe aussi ? Pourtant, c’est spacieux…je ne parle pas des toilettes, bien sûr.
FRANÇOIS – Forcément…à deux, l’espace est plus réduit…vous n’êtes pas claustrophobe, vous ?
FLORENCE – Heu…Non, il y a une fenêtre, on l’a ouverte.
ALEX (en aparté) – Moi, c’est plutôt quand il y a des barreaux aux fenêtres que je le deviens.
CLAIRE – Partons, chéri, il faut absolument que j’aille chez le coiffeur.
ALEX – Nous aussi, nous partons. Saluons-nous ici plutôt que sur le palier.
FRANÇOIS – C’est ça, il y a plus d’espace, sur le palier, ma femme risque de se sentir oppressée.
FLORENCE – La pauvre ! Eh bien, au revoir.
FRANÇOIS – Au revoir !
(Ils avancent l’un vers l’autre pour se saluer. On entend les voix de Juliette et de Bruno : « Mon pauvre Bruno ! » « Oh, ça va ! ». Alex entraîne Florence dans la chambre. François, après avoir essayé de les devancer, entraîne Claire, vers les toilettes.)
CLAIRE – Non, pas là, non ! n’importe où, mais pas là !
FRANÇOIS – On n’a plus le choix, vite ! (Ils s’y engouffrent.)

SC. 7 : BRUNO ET JULIETTE PUIS SYLVIE

JULIETTE (en voix off) – Si, si ! Mon pauvre Bruno !
BRUNO (même jeu) – Oh, ça va, je te dis ! (Ils sortent de la cuisine.)
JULIETTE (ironique) – Alors, chéri, tu ne m’as pas habituée à des défaillances ?
BRUNO – Désolé, Juliette, d’habitude, c’est le 14 juillet.
JULIETTE (soupirant) – Et bien aujourd’hui, c’était le 15.
BRUNO – Oui, bon ! ça arrive.
JULIETTE – Mais c’est toi qui voulais aller dans la cuisine…trop classique pour toi une chambre. Eh bien, permets-moi de te dire, Bruno, que l’originalité ne te réussit pas. Nous étions dans la cuisine et je suis restée…sur ma faim.
BRUNO – Pardonne-moi si je n’ai pas été à la hauteur.
JULIETTE – La hauteur, en effet, c’est le bon mot.
BRUNO – Je t’en prie, c’est déjà assez pénible pour moi.
JULIETTE – Pour moi aussi.
BRUNO – Je me sens stressé et puis je pensais que ton mari allait surgir pour nous surprendre.
JULIETTE (ironique) – Mon pauvre chéri ! Ne crains rien, il n’est pas encore prêt d’arriver.
SYLVIE (surgissant) – Coucou !
BRUNO (étonné) – Coucou ?
JULIETTE – Mais qui êtes-vous et qu’est-ce que vous faites ici ?
SYLVIE -….Heu…Je suis Sylvie, la nouvelle voisine….la porte était ouverte, je suis entrée sans sonner, veuillez m’excuser.
JULIETTE (à Bruno) – La porte était ouverte ?
BRUNO – Nous sommes rentrés assez vite, j’aurai peut-être oublié de la refermer.
JULIETTE – Mais que faites-vous ici ?
SYLVIE – Je…j’avais oublié quelque chose tantôt.
JULIETTE – Parce que vous êtes déjà venue ? Et qu’aviez-vous oublié ?
SYLVIE – Heu…des clés….les clés de ma voiture, je me suis dit que c’était sûrement ici que j’avais dû les perdre quand j’étais venue saluer Jacques.
JULIETTE – Jacques ?
BRUNO – Jacques, ici ?
JULIETTE – Jacques Russel ?
SYLVIE – Heu…oui, Russel comme vous dites.
JULIETTE – Jacques était ici ?
BRUNO – Ici ?
SYLVIE – Mais oui, Jacques était ici avec Juliette, sa femme.
JULIETTE – C’est moi, Juliette ! Vous avez vu une femme qui s’appelait Juliette avec lui ?
SYLVIE – Heu…je ne lui ai pas demandé sa carte d’identité. Je venais simplement faire connaissance, il me l’a présentée comme étant sa femme.
JULIETTE (à Bruno) – C’était sa maîtresse qu’il a fait passer pour moi et il était ici, tu vois….200 km, il a été plus rapide que nous.
BRUNO – Mais il a dû voler.
SYLVIE (en aparté) – Sa maîtresse ? J’avais bien vu que tout n’était pas clair….
Une femme et au moins une maîtresse ? Mais ce doit être une vraie bombe sexuelle, ce Jacques !…Il faudra vérifier…Je vais vérifier.
JULIETTE – Mais à quoi ressemblait-elle cette Juliette ?
SYLVIE – Difficile à dire parce qu’elle portait un foulard et des lunettes noires.
JULIETTE – Comme si elle voulait se cacher.
SYLVIE – Oui, maintenant que vous le dites.
JULIETTE – Vous n’avez pas plus de détails à me donner ?
SYLVIE – Heu…non, vous savez, je ne fais pas spécialement attention aux femmes, (Puis en aparté.) par contre les hommes…
BRUNO – Et quand les avez vous vus ici ?
SYLVIE – Oh ! je ne sais pas, moi, disons un quart d’heure.
JULIETTE – Un quart d’heure ? Il était ici il y a un quart d’heure à peine ? Mais où est-il parti ?
BRUNO – Dieu seul le sait.
JULIETTE – Ou plutôt le diable…dans la chambre peut-être ? (Elle s’y dirige.)
BRUNO (s’interposant) – Non ! Heu…non, je venais de regarder.
JULIETTE – Ah bon ! (Elle s’écarte de la porte.)
BRUNO (en aparté) – Ouf ! si elle voit ce type, je suis cuit.
SYLVIE (en aparté) – J’ai compris : il doit être dans la chambre, sacré Jacques, quelle santé ! Et l’autre le protège.
BRUNO – Réfléchissons : où pourrait-il être parti ?
JULIETTE – S’il a pris la peine de revenir, il ne doit pas être loin.
BRUNO – Tu crois ?
JULIETTE – Oui, figure-toi que… (Elle s’interrompt pour parler à Sylvie.) Pourriez-vous nous laisser, madame, s’il vous plaît ?
SYLVIE – Je vous laisse, j’étais simplement passée dire bonjour.
JULIETTE – Donc maintenant, vous pouvez dire au revoir.
SYLVIE – Heu…oui, eh bien, au revoir. (Elle va sortir.)
JULIETTE – Et vos clés ?
SYLVIE – Mes clés ?
BRUNO – Mais oui, vos clés de voiture.
SYLVIE – Ah oui, mes clés de voiture….si vous le permettez, je vais jeter un coup d’œil.
JULIETTE (sèchement) – Rapidement.
SYLVIE – Heu…oui, je m’excuse pour le dérangement.
BRUNO – Je vous aide, nous gagnerons du temps. (Il regarde à son tour.)
SYLVIE – Elles n’ont pas l’air d’être là.
BRUNO – Apparemment, ce n’est pas ici que vous les avez oubliées ou perdues.
(Il remarque les clés sur le bureau et regarde vers la chambre, puis en aparté.) Par contre, celles-ci, ce sont les doubles de l’appartement, elles finissent dans ma poche.
JULIETTE – Vous n’êtes pas allée dans la cuisine ?
SYLVIE – Non.
JULIETTE – Ni dans la chambre ?
SYLVIE – Non, pas encore.
JULIETTE – Pas encore ?
SYLVIE – Heu…j’ai appris que vous vendiez l’appartement, alors, comme je suis curieuse, j’allais visiter.
BRUNO – Bon ! Eh bien, maintenant que nous n’avons rien trouvé…
JULIETTE – Vous pouvez nous laisser.
SYLVIE – J’y vais…cette fois-ci, je ferme la porte….il suffit de la claquer ?
JULIETTE – Oui…mais doucement, merci.
SYLVIE – Au revoir. (Elle sort.)
JULIETTE – Ce n’est pas trop tôt !
BRUNO – Mais tu la retiens alors qu’elle partait.
JULIETTE – Sans ses clés qui visiblement n’étaient qu’un prétexte. Mais pourquoi ?
BRUNO – Jacques lui a peut-être tapé dans l’œil.
JULIETTE – Une de plus à sa collection.
BRUNO – Le vrai problème maintenant, c’est de savoir où il est parti.
JULIETTE – S’il a fait 200 km, il doit être dans le coin à m’attendre, me chercher.
BRUNO – Tu vois, tu étais si sûre de toi, si sûre qu’il n’allait pas te suivre.
JULIETTE – Bruno, je crois qu’il est temps que je t’en dise plus.
BRUNO – Je t’écoute.
JULIETTE – Nous sommes partis en week-end comme d’habitude mais arrivés là-bas, il m’a fait part de son intention de ne plus jamais revenir ici.
BRUNO – Ne plus revenir ? Mais pourquoi ?
JULIETTE – Il m’a dit avoir fait une grosse bêtise.
BRUNO (étonné) – Une grosse bêtise ?
JULIETTE – Oui, il m’a dit qu’il risquait de sérieux ennuis avec la justice…
BRUNO (mal à l’aise) – Avec la justice, lui ? Tu es sûre que ce n’est pas plutôt avec des maris cocus ?
JULIETTE – Non, il m’a dit qu’il risquait d’être arrêté.
BRUNO (même jeu) – Arrêté, lui ?
JULIETTE – Il avait également peur des représailles de ses complices d’un trafic, parce qu’il voulait tout stopper. C’est pour ça qu’il voulait non seulement ne plus revenir ici mais en plus partir loin, très loin. Il m’a parlé de l’Afrique du Sud.
BRUNO – Mais il fabule !
JULIETTE – Je crains que non, hélas !, notre voisin a été arrêté il y a quelques jours, ça l’a rendu très nerveux, presque méconnaissable… et cette nouvelle voisine qui débarque sous un faux prétexte, tout ça ne me paraît pas très clair.
BRUNO – Si tu le dis.
JULIETTE – Oui et je crois qu’il serait préférable que nous partions à sa recherche. Il avait ses habitudes dans deux ou trois tavernes. Commençons par là. Allons-y.
(Elle se dirige vers la porte.)
BRUNO – Je te suis. (Elle sort. Il retire les clés de sa poche et regarde vers la chambre.) Je te les reprends, mon gars. Te voilà enfermé, ça t’apprendra. Et je reviendrai plus tard pour une sérieuse discussion.
JULIETTE (en voix off) – Alors, tu viens ?
BRUNO – J’arrive. (Il sort à son tour.)

SC. 8 : ALEX, FLORENCE, CLAIRE ET FRANÇOIS

(Les deux couples ressortent prudemment de leur cachette respective. François se tient la joue.)
ALEX – Apparemment, il n’y a plus personne.
FLORENCE – Tu es sûre ?
CLAIRE –Tu ne l’as pas volée celle-là. Tu as essayé de profiter de la situation, ne viens pas te plaindre. Maintenant, je pars.
FRANÇOIS – Tu n’as pas toujours dit ça. Dieu que les femmes sont compliquées !
CLAIRE – Ce sont tes rendez-vous qui le sont.
FLORENCE (à Alex) – Nous y allons également ?
ALEX – Laissons Roméo et Juliette prendre un peu d’avance, je ne tiens pas à ce que notre séjour dans l’ascenseur devienne une descente aux enfers.
FLORENCE – Comme dirait Max, il n’y a pas qu’en politique que la cohabitation peut être difficile.
ALEX (imitant Max) – Elle est bonne, Flo, elle est bonne.
(Claire et François ne sont pas parvenus à sortir.)
FRANÇOIS – Rien à faire : la porte est fermée.
CLAIRE – Mais qu’allons-nous faire ?
FRANÇOIS – Ne t’en fais pas, j’avais déposé mes clefs sur le bureau. (Il va voir.) Mais elles ne sont plus là !
ALEX (se rapprochant intrigué) – Les miennes non plus !
FRANÇOIS (à Alex) – Curieux…J’ai l’impression de vous connaître.
ALEX (un peu troublé) – Heu…moi ? Vous devez faire erreur, je…je ne suis que de passage dans cette ville.
FLORENCE – Nous voilà enfermés ! (Puis regardant Claire.)…en charmante compagnie…vous qui êtes claustrophobe, perdez vos cheveux et avez de la conjonctivite, c’est la totale, vous n’avez vraiment pas de chance !
ALEX (en aparté, à Florence) – Et moi, tu crois que j’ai de la chance ? Enfermé lors de mon week-end de liberté !
CLAIRE (à François) – Eh bien ! Ne reste pas planté là. Va voir s’il n’y a pas d’autre moyen de sortir.
FRANÇOIS – Qu’est-ce que tu espères : un passage secret ? (François part dans la cuisine.)
CLAIRE (sanglotant à nouveau) – Mais qu’est-ce que je vais devenir ?
FLORENCE – Vous croyez à la réincarnation ? Je vous verrais bien en vache… comme en Inde.
CLAIRE – Vous, je ne vous parle pas !
FRANÇOIS (revenant) – Rien de ce côté-là….à moins d’avoir des dons d’alpiniste et d’avoir fait un solide régime pour se faufiler par la fenêtre.
CLAIRE – Mais qu’est-ce que je vais devenir ?
FLORENCE – Pourquoi ? Une vache, ça ne vous plaît pas ?
ALEX (à Florence) – Tu ne crois pas qu’il serait temps de hisser le drapeau blanc ? Une petite trêve serait sans doute la bienvenue.
(François se dirige vers la chambre.)
FRANÇOIS – Je vais voir ailleurs. Accompagne-moi Cl... heu Juliette. A côté, c’est la chambre et la salle de bains, pas une étable !
CLAIRE – Je te suis mais n’essaie pas encore d’en profiter.
FRANÇOIS – Une gifle m’a suffi, merci ! (Ils s’engouffrent dans la chambre.)
ALEX – Je ne sais pas ce que tu as à lui reprocher, mais j’ai l’impression que ce n’est pas une dent mais plutôt toute la dentition.
FLORENCE – Oui…mais c’est une histoire typiquement féminine, tu n’y verrais aucun intérêt.
ALEX (s’asseyant) – Si tu le dis.
FLORENCE (venant à ses côtés pour l’enlacer) – Pensons plutôt à nous, mon chéri.
ALEX (prenant ses distances) – Ne trouves-tu pas, ma chérie, que nous manquons quelque peu d’intimité pour faire maintenant ce genre de choses ?
FLORENCE (déçue) – Si tu le dis….
ALEX – Avec…. Roméo et Juliette en stand-by à côté, nos…. mouvements sont limités….surtout dans un endroit fermé….je me fais l’effet d’un poulet qu’on a confiné pour ne pas qu’il attrape la grippe aviaire.
FLORENCE – Allons, allons, ne te démoralise pas !
ALEX – Mets-toi à ma place : je sors de prison pour me retrouver dans une autre…une prison plus spacieuse et confortable mais une prison quand même !
FLORENCE – Nous trouverons bien vite le moyen de sortir, tu verras.
ALEX (allant vers la porte de la chambre et l’ouvrant) – Vous n’auriez pas trouvé la sortie de secours, par hasard ?
FRANÇOIS (criant) – Rien de ce côté mais nous désirons un peu de tranquillité, c’est clair ?
CLAIRE (très énervée) – C’est pas Claire, c’est Juliette ! c’est Juliette !
FRANÇOIS – Mais enfin, qu’est-ce qui te prend ?
ALEX (refermant la porte, à Florence) – Apparemment, Juliette est tombée du balcon.
FLORENCE (imitant Max) – Elle est bonne, Alex, elle est bonne.
ALEX – Tu as raison, gardons le moral, mieux vaut en rire qu’en pleurer.

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