Le parti d'en rire

Dans une petite ville française, Louis Laverdure, enfant gâté et fils d’un PDG parti développer ses affaires aux Etats-Unis, désire (doit ?) devenir maire mais ses ambitions vont se heurter à celles de son petit ami Célio. Et pour réussir à gagner la confiance de ses futurs électeurs attachés à la tradition (entendez l’hétérosexualité), le brave Louis doit accepter la présence d’un coach pour le remettre sur le droit ( ?) chemin. Le deal est clair : lui, l’homo pur et dur, doit non seulement se marier mais plus encore devenir père pour les besoins de son image s’il ne veut pas que papa lui coupe les vivres.  Bref, lui qui aime tant l’argent, les beaux voyages, les vacances dans les grands hôtels, va voir débarquer, s’incruster chez lui des candidates au mariage du siècle dont certaines étrangères qui ne maîtriseront pas forcément toutes les ficelles de la langue française. Le brave Louis résistera-t-il aux charmes de ses soupirantes ?

Fiche

Année
2013
Édition
Art et Comédie
Production
Compagnie des Sources, Péruwelz

Extrait

SCENE 1 : LUCIE, PIERRE et LOUIS

 

LUCIE, rentrant. – Ce rôle de bonniche ne me plaît pas.

PIERRE. – Tu n’es pas une bonne mais une sorte de gouvernante.

LUCIE. – Une sorte ? On dirait une espèce animale en voie de disparition.

PIERRE. – Il s’agit d’encadrer au mieux son fils durant quelques mois puisque monsieur Laverdure est aux Etats-Unis.

LUCIE. – Mais il est assez grand pour tout faire lui-même. Les gouvernantes, c’était bon au dix-neuvième siècle. Nous sommes au troisième millénaire.

PIERRE. – Eh bien, au troisième millénaire, dans la bonne société, on a toujours recours à…à du personnel de maison, voilà.

LUCIE. – Me voilà ravalée au rang d’une soubrette.

PIERRE. – Mais non. Et puis, ton horaire est souple et en habitant si près, tu peux couper ta journée, rentrer si le cœur t’en dit.

LUCIE. – Mais pas aux heures de repas : je serai la cuisinière…manuelle, pas électrique !

PIERRE. – Comme tu ne travaillais pas, tu as à présent une occupation…financièrement très intéressante.

LUCIE. – En avions-nous besoin ?

PIERRE. – C’est plus qu’un complément et puis nous devons être ici pour l’encadrer.

LUCIE. – Encadrer Laverdure junior... Et pourquoi une si grande maison pour lui tout seul ?

PIERRE. – Parce que des…des gens vont bientôt arriver et s’installer ici un certain temps.

LUCIE. – Qui ?

PIERRE. – Nous en parlerons tout à l’heure à la maison.

LUCIE. – Pourquoi pas maintenant ?

PIERRE. – L’affaire est délicate et… (Il voit Louis rentrer.)

LOUIS. – Bonjour Pierre. Rebonjour Lucie.

PIERRE.  – Bonjour Louis. Vous voilà plus riche d’une gouvernante.

LUCIE. – Je me demande ce que je vais gouverner.

PIERRE. – Si tu allais nous chercher des rafraîchissements, Lucie.

LUCIE, révérences à l’appui. – Bien, Monsieur. Que ces messieurs désirent-ils boire ?

PIERRE. – Pour rappel, nous sommes au troisième millénaire, Lucie.

LOUIS. – Un peu d’eau suffira.

PIERRE. – Adjugé.

LUCIE. – Bien Messieurs, ces Messieurs seront satisfaits.  (Elle sort.)

 

SCENE  2: PIERRE et LOUIS, puis CELIO

 

LOUIS. – Elle a un côté rétro, vous ne trouvez pas ?

PIERRE. – Disons qu’elle a du mal à bien cerner son rôle.

LOUIS. – Et moi, j’ai un peu de mal à bien cerner le vôtre.

PIERRE.  – Etant l’homme de confiance de votre père, il a donc souhaité que je m’occupe de vous.

LOUIS. – Quelle idée de partir aux Etats-Unis !

PIERRE.  – Ses affaires l’ont appelé là-bas. Il est ambitieux et il l’est pour vous également.

LOUIS. – On va donc reparler de politique. Ce qui ne me dérange pas: j’en rêve aussi.

PIERRE.  – Vous êtes déjà conseiller municipal mais son souhait est de vous voir maire de cette petite ville.

LOUIS. – Alors que lui en a été incapable.

PIERRE.  – Les élections ont lieu l’an prochain. Mais il y a d’abord un problème lié à votre image à régler.

LOUIS. – Mon image ?

PIERRE.  –  Elle pose problème parce que nous sommes à la campagne. Ici les valeurs traditionnelles ont encore toute leur importance : un candidat doit être hétérosexuel.

LOUIS. – Mais tout évolue.

PIERRE.  – Pas ici ou en tout cas très lentement. Vous devez vous marier…avec une femme et si vous voulez encore bénéficier d’un certain train de vie…

LOUIS. – Je dois me plier à ses volontés, je sais. Je ne sais même que cela.

PIERRE.  – …et continuer à occuper un poste enviable dans sa société, vous n’avez pas le choix : vous devez également devenir père.

LOUIS. – Devenir en même temps père et maire, ça fait beaucoup pour un seul homme, non ?

PIERRE, agacé.  – Vous êtes immature, Louis. La vie est une chose sérieuse.

LOUIS. – Devenir père pour perpétuer la dynastie, pour que le rejeton prenne plus tard la succession.

PIERRE.  – Utilisez les mots que vous voulez, l’enjeu est clair si vous ne voulez pas finir sur la paille.

LOUIS. – Le vieux salaud.

PIERRE.  – Je vous en prie : pas de vulgarité.

LOUIS. – J’oubliais les bonnes manières chères à papa…pardon « Père » parce que j’ai rarement eu le droit de l’appeler « Papa ».

PIERRE.  – Je n’ai pas à juger l’éducation que vous avez reçue.

LOUIS. –  Très bonne éducation. Heureusement que maman était là pour l’affection.

PIERRE.  – Je l’ai peu connue. Je venais d’être engagé par votre père quand elle est décédée.

LOUIS. – Un père qui me préfère hétérosexuel…au point de me couper les vivres si je fais de la résistance…et j’en fais : je n’aime pas les femmes.

PIERRE.  – Vous apprendrez si pas à les aimer, du moins à en aimer au moins une.

LOUIS. – Pour faire semblant, pour la couverture…parce que sous la couverture, ça ne m’intéresse pas.

PIERRE.  – Avez-vous essayé au moins ?

LOUIS. – Essayé ? On dirait que vous me proposez d’aller goûter une cuisine exotique.

PIERRE.  – Ne serait-ce pas vous qui la préférez alors que vous n’avez pas goûté à la cuisine traditionnelle ?

LOUIS. – Soyons clair : j’ai toujours aimé les hommes et plus particulièrement un depuis un bon bout de temps. (La porte s’ouvre. Un homme rentre.) Quand on parle du loup…

CELIO. – On voit sa queue. (Apercevant Pierre.) …Pardon, Loulou…heu…Louis… je tombe comme un cheveu dans la soupe.

LOUIS. – Et nous parlions justement de cuisine. Voilà mon plat exotique. Rectification : un plat italien.

CELIO, saluant Pierre. – Monsieur Leroy.

PIERRE, saluant Célio.  – Monsieur Lipi…mais nous nous connaissons déjà un peu : appelez-moi Pierre.

CELIO. – Et moi Célio.

LOUIS. – Célio, peux-tu patienter quelques minutes à côté, s’il te plaît ? Monsieur Leroy et moi devons parler.

CELIO. – Pas de souci. (Saluant Pierre.) Au revoir.

PIERRE.  – Au revoir. (Il sort.) Revenons à nos moutons donc à votre bergerie. Cette grande maison possède plusieurs chambres d’amis qui vont accueillir des femmes.

LOUIS, surpris. – Des femmes ?

PIERRE.  – L’une d’elles deviendra votre épouse, Louis. S’il le faut, j’ai carte blanche, je peux vous en présenter beaucoup.

LOUIS. – Je n’ai pas besoin d’un harem.

PIERRE.  – Mais vous avez peu de temps devant vous pour imposer votre image d’époux, de père respectable pour ensuite gagner la confiance de vos électeurs.

LOUIS. – J’aime la politique mais pas les femmes, désolé.

PIERRE.  – Vous aimez le confort, le luxe, les endroits chics. Pourriez-vous renoncer à tout cela ?

LOUIS. –  …

PIERRE.  – Votre silence est éloquent.

LOUIS. – C’est vrai que je pourrais difficilement m’en passer.

PIERRE.  – Et de Célio ?

LOUIS. – Impossible.

PIERRE.  – L’aimez-vous au grand jour ?

LOUIS. – Avec père, il fallait que nous nous cachions…

 

SCENE  3: LUCIE, PIERRE et LOUIS, puis CELIO

 

LUCIE, rentrant en portant un plateau avec deux verres. – Voilà les rafraîchissements.

PIERRE.  – Où étais-tu passée ?

LUCIE.  – A la fontaine. Aller et retour, un kilomètre de marche avec une grande cruche. Au dix-neuvième siècle, le personnel de maison se déplaçait à pieds. (Elle lui tend le plateau, il prend un verre.)

PIERRE, prenant le verre. – Merci. Tu n’en ferais pas un peu trop ?

LOUIS. – Laissez, Pierre, j’adore. (A Lucie. Elle lui tend le plateau, il prend l’autre verre.) Merci. Comme vous avez dû avoir l’air…cruche !

PIERRE, à Louis. – Vous n’allez pas vous y mettre vous aussi ?

LOUIS. – Détendez-vous, Pierre.

PIERRE. – Non, sérieusement Lucie, où étais-tu passée ?

LUCIE. – A la fontaine, je t’ai dit. Non, je te raconte une fable. (Elle pose le plateau sur la table de la salle à manger.)

PIERRE. – Arrête, s’il te plaît.

LUCIE. – J’ai fait la connaissance de Célio Lipi. Mais il est ici comme chez lui apparemment.

LOUIS, embarrassé. – Il…il habite juste à côté. C’est mon meilleur ami et nous faisons de la politique ensemble.

PIERRE. – Des amis très proches, n’est-ce pas Louis, tout proches ?

LOUIS, même jeu. – Comme vous dites…tout proches.

LUCIE. – Mais pas forcément bien élevé. Il n’a pas sonné, il est passé par derrière.

PIERRE. – C’est une habitude chez lui.

LOUIS. – Une habitude ?

PIERRE. – Mais oui : de passer par derrière…enfin, tant que cela ne vous dérange pas.

LOUIS. – Non…cela ne…me dérange pas.

LUCIE. – Eh bien, moi, cela me dérange, il n’a qu’à sonner et passer devant. 

PIERRE. – Louis, dites-lui de passer par devant…du moins si c’est techniquement possible.

LOUIS, toujours embarrassé. – Je…je lui dirai. Il passera par devant.

PIERRE. – Si tu nous laissais à présent, Lucie, nous devons parler affaires.

LUCIE. – Bien, Messieurs, j’ai compris. La gouvernante se retire. (Elle sort.)

LOUIS. – Vous ne trouvez pas que vous poussez le bouchon un peu loin ?

PIERRE. – Je vous teste. Et il est visible que vous avez du mal à assumer votre homosexualité.

LOUIS. – Célio et moi assumons parfaitement mais nous sommes discrets.

PIERRE.  – Vous pourriez continuer à l’être, une fois votre couverture installée.

LOUIS. – Et qu’implique exactement votre couverture ?

PIERRE.  – Mon cher Louis, vont venir s’installer ici pour quelque temps trois femmes qui ont accepté disons de se délocaliser…

LOUIS. – Se délocaliser ?

PIERRE.  – N’ayant pas d’attaches dans la région, elles n’iront pas raconter vos préférences sexuelles : il est de toute façon prévu dans leur contrat qu’elles se taisent.

LOUIS. – Elles signent un contrat ?

PIERRE.  – Je travaille avec une agence. Il est logique de faire signer un contrat.

LOUIS. – Une agence matrimoniale ?

PIERRE.  – En quelque sorte. Et en France, une femme peut facilement faire cinq cents ou mille kilomètres. Voilà ce que j’appelle se délocaliser.

LOUIS. – Je croyais qu’il n’y avait que les entreprises qu’on délocalisait.

PIERRE.  – Vous pourrez également rencontrer des femmes étrangères mais parlant très bien le français, rassurez-vous.

LOUIS. – Vous avez recruté dans les pays de l’Est ?

PIERRE.  – Vous verrez mais sachez cependant qu’on n’attire pas les mouches avec du vinaigre : elles savent que vous êtes financièrement très à l’aise.

LOUIS. – Ma richesse ne tient plus qu’à un fil, semble-t-il. Regardez déjà cette maison, grande bien sûr mais surtout on ne peut plus banale.

PIERRE.  – Et juste à la sortie de la ville. En l’achetant, votre père recherchait lui aussi la discrétion. Vous auriez pu éviter que votre ami vienne s’installer dans une maison voisine.

LOUIS. – Elle était à louer. Je n’étais pas très chaud mais le mal est fait.

PIERRE. – Mais pour la discrétion, c’est bel et bien raté et cela met en péril la réussite…

LOUIS. – …de votre opération commando : sauver le futur maire Louis de l’homosexualité.

PIERRE.  – Vous portez déjà le prénom d’un roi de France. Pourquoi pas celui d’un maire ?

LOUIS. – En attendant, Louis ne vit plus dans un palais. Les femmes de son harem vont être déçues.

PIERRE.  – Nous allons voir cela tout de suite.

LOUIS, surpris. – Tout de suite ?

PIERRE.  – Elles m’attendent près d’ici. Je vous les ramène dans cinq minutes.

LOUIS, même jeu. – Comment ça dans cinq minutes ?

PIERRE.  – Nous n’avons plus la vie devant nous. Et comme il faudra sûrement un peu de temps pour que la mayonnaise prenne. (Il sort.)

LOUIS. – La mayonnaise ? Oh, purée ! Que vais-je faire de ma cuisine exotique ?

CELIO, rentrant. – Il n’est plus là ? Oh, toi, viens.

LOUIS. – Célio, on se calme. Je dois changer de restaurant.

CELIO, surpris. – Tu dois changer de restaurant ?

LOUIS. – Oui…non…enfin, je dois stopper la cuisine exotique.

CELIO, même jeu. – Tu dois stopper la cuisine exotique ?

LOUIS. – Oui…bon, on ne va pas en faire tout un plat. Je t’expliquerai.

CELIO, même jeu. – Tu n’as pas l’air dans ton assiette, toi.

LOUIS. – Voilà, je ne suis pas dans mon assiette. Je dois souffrir d’une indigestion.

CELIO. – Change de restaurant alors si tu y es allé ce midi.

LOUIS, pleurnichant. – Mais je ne veux pas changer de restaurant, ni de cuisine d’ailleurs.

CELIO, tendrement. – Tu es le sel de ma vie.

LOUIS. – Tu es la seule mayonnaise que je préfère.

(Louis renverse Célio dans le canapé. Lucie rentre alors avec un homme.)

 

SCENE  4: LUCIE, LE JOURNALISTE, LOUIS et CELIO

 

LUCIE. – Oh pardon !

JOURNALISTE, en aparté. – Oh ! ça, c’est de l’info, ça va cartonner.

LOUIS, embarrassé. – Lucie…vous…vous auriez pu frapper.

JOURNALISTE. – Si je vous dérange, je peux revenir.

CELIO, embarrassé. – Déranger ?

LOUIS, embarrassé. – Non…nous…nous répétions un sketch…

LUCIE/JOURNALISTE, en chœur. – Un sketch ?

LOUIS, même jeu. – Pour…pour le bal du parti qui aura lieu bientôt.

JOURNALISTE. – Le bal du parti ?

CELIO. – Oui…le bal du parti…Loulou…heu Louis…vient de vous le dire.

LUCIE, désignant le nouveau venu. – Ce monsieur est journaliste.

LOUIS. – Je sais…(Puis en aparté.) malheureusement…Je suis grillé (A nouveau au journaliste.) Célio et moi, comme vous le savez, nous sommes tous les deux conseillers municipaux et…

CELIO. –  …nous répétions un sketch…

LOUIS. –  …pour le bal du parti.

LUCIE. – En tout cas, c’était criant de vérité.

JOURNALISTE. – Comme vous dites : vraiment criant, je dirais même plus : gémissant de vérité.

LUCIE. – Et, monsieur Laverdure, ce journaliste…

JOURNALISTE. – Fouineur, Didier Fouineur…J’ai un nom prédestiné pour un journaliste, n’est-ce pas ?

LOUIS, en aparté. – La catastrophe.

LUCIE. – Ce journaliste fouineur…heu monsieur Fouineur dit qu’il vous a téléphoné plusieurs fois sans obtenir de réponse…

JOURNALISTE. – Et en laissant pourtant des messages sur votre boîte vocale.

CELIO, à Louis. – Tu ne m’avais pas dit que tu avais des soucis avec ton portable ?

LOUIS, à Célio. – Non…Ah si, si !

CELIO, même jeu. – Et que ta mémoire était presque pleine ?

LOUIS, même jeu. – Ma mémoire ? Je ne me souviens pas.

CELIO, même jeu. – La mémoire du téléphone.

LOUIS, même jeu. – Ah, du téléphone ! La mémoire du téléphone !

CELIO, même jeu. – Tu t’en souviens maintenant ?

LOUIS, même jeu. – Si je m’en souviens ? Evidemment que je m’en souviens.

LUCIE. – Dites, vous êtes toujours dans le sketch, là ?

LOUIS. – Oui. (Il reçoit un coup de coude de Célio.) Non…non mais, Lucie, si vous n’avez rien à faire, allez me chercher une cruche d’eau à la fontaine.

LUCIE. – Bon, ça va, j’ai compris…Monsieur Laverdure n’est plus très affable…Petite précision quand même avant de sortir…

LOUIS. – Laquelle ?

LUCIE, désignant le journaliste. – Ce monsieur est passé par devant, lui, alors que votre ami passe par derrière…enfin, si ça vous convient.

LOUIS, embarrassé. – Non…ça…ça ne me convient pas.

CELIO. – Mais je fais comme ça depuis le début.

JOURNALISTE. – Le début ? Quel début ?

LOUIS, à Célio. – Tu veux dire depuis que j’habite ici, c’est ça ?

CELIO. – Oui…oui…comme j’habite juste à côté, je passe par derrière…

LOUIS. – Pour gagner du temps.

JOURNALISTE. – Et moi, comme je passais juste devant, je venais vous demander quand je pouvais venir vous poser quelques questions pour l’article.

LOUIS. – L’article ?

JOURNALISTE. – Celui dont je vous parlais dans les messages laissés sur votre boîte vocale.

CELIO. – Il n’a pas entendu. Sa mémoire était presque pleine. Vous ne vous souvenez pas ?

JOURNALISTE. – Eh bien, alors, je vais vous rafraîchir…la mémoire.

CELIO. – C’est ça : rafraîchissez. Tant qu’à faire, rafraîchissez.

LOUIS. – On …on n’a pas le temps.

JOURNALISTE. – Je vais être honnête : je suis ici avec une double casquette…

CELIO. – Vous ne risquez pas de prendre froid, dites donc.

JOURNALISTE. – Celle de journaliste et celle de secrétaire de l’A.C.M.G.

LOUIS/CELIO. – L’A.C.M.G. ?

JOURNALISTE. – L’Association Contre les Mariages Gays.

CELIO. – Mais pourquoi ne peut-on pas être heureux quand on se marie ?

JOURNALISTE. – Gays, c’est-à-dire homosexuels, pas heureux. Contre les mariages homosexuels, donc.

CELIO. – Ah oui, je vois.

LOUIS. – Mais pourquoi vouloir me poser des questions ?

JOURNALISTE. – Je vais vous interroger ainsi que les autres conseillers municipaux.

CELIO. – Donc j’aurai également mon tour ?

JOURNALISTE. – Bien entendu.

LOUIS. – C’est…c’est une excellente idée. Et pour me demander quoi ?

JOURNALISTE. – Votre avis sur les mariages gays…d’autant que la rumeur.

LOUIS. – Quelle rumeur ?

JOURNALISTE. – On raconte en ville que monsieur Lipi ici présent et vous êtes très proches.

CELIO. – Très proches ?

LOUIS. – Nous sommes en effet très amis.

JOURNALISTE. – Je veux dire sexuellement parlant.

CELIO. – Le moment de s’afficher semble donc enfin venu.

LOUIS, à Célio. – Pas un mot sur les projets d’affiche pour les prochaines élections, Célio. C’est top secret, compris ?

CELIO. – L’occasion est pourtant belle de mettre les choses au point avec monsieur Fouineur.

JOURNALISTE. – Mais oui, allez-y, je vous prie.

LOUIS. – Non, c’est…c’est top secret ! Nos affiches vont en étonner plus d’un.

JOURNALISTE. – Vous allez poser nus ?

LOUIS. – Sûrement pas. Mais il est hors de question de dévoiler nos batteries.

JOURNALISTE. – Pourtant, ça intéresse beaucoup de monde…comme les résultats d’un sondage que je vais publier demain d’ailleurs.

LOUIS. – Un sondage ?

JOURNALISTE. – Concernant l’homosexualité. Savez-vous que plus de 90 % des habitants de cette ville sont contre les mariages gays ?

LOUIS. – 90%  ?

JOURNALISTE. – Et plus de 85 % se déclarent pour la tradition.

CELIO. – Quelle tradition ?

JOURNALISTE. – Pour l’hétérosexualité et donc forcément…

CELIO. – Contre l’homosexualité, c’est ça ?

LOUIS, troublé et en aparté. – Plus de 85 % contre l’homosexualité. Punaise : si on apprend que j’en suis, je ne gagnerai jamais les prochaines élections.

JOURNALISTE. – Jamais un homo ne sera maire de cette ville. Vous êtes d’accord, monsieur Laverdure ?

LOUIS, embarrassé. – Oui…oui…bien sûr…jamais un homo ne gagnera les prochaines érections…heu élections, pardon.

JOURNALISTE. – Donc les rumeurs sont fausses, c’est bien cela ?

LOUIS, même jeu. – Bien entendu. Je…je ne mange pas de ce pain-là.

CELIO, en aparté. – Pas de ce pain-là alors que je suis la seule mayonnaise qu'il préfère.

JOURNALISTE. – Comme 85 % des habitants de cette ville, vous n’aimez donc pas non plus les homosexuels ?

LOUIS, même jeu. – … Non, je…je ne les aime pas.

CELIO, en aparté. – Tu me renies, Judas.

LOUIS. – Mais monsieur Fouineur, nous reparlerons de tout cela plus tard parce que monsieur Lipi et moi devons travailler. Si vous pouviez nous laisser…

JOURNALISTE. – Pas de souci mais je reviendrai avec d’autres questions. A bientôt, Messieurs.

LOUIS/CELIO. – A bientôt. (Il sort.)

LOUIS, en aparté. – Sale fouineur !

CELIO. – Judas ! Pourtant, maintenant que ton père est parti, il n’y a plus d’obstacle à ce que nous nous affichions.

LOUIS. – Si. La seule affiche dont je veux entendre parler, c’est la mienne bientôt sur tous les murs lors de la campagne électorale.

CELIO, en pleurnichant. – Tu ne m’aimes plus. (Il sort.)

LOUIS. – Célio, je t’en prie. (Il sort derrière lui.)

 

SCENE  5: PIERRE, MAGUY, HELENA et LEANDRA

 

(Rentrent Pierre et 3 femmes qui s’exprimeront toujours avec leur accent caractéristique.)

PIERRE. – Asseyez-vous. Je vous ai déjà vue chacune individuellement mais avez-vous d’autres questions ?

LEANDRA. – Pourquoi trois en même temps pour un seul homme ?

PIERRE. – Il a quand même le droit de choisir…mais rapidement à cause de certaines échéances électorales.

HELENA. – Je suis Russe, je parle bien le français…

PIERRE. – Sinon vous n’auriez pas été choisie.

HELENA. – …mais pouvez-vous, s’il vous plaît, expliquer les mots « échéance électorale » ?

MAGUY. – ça veut dire qu’on va bientôt voter.

PIERRE. – Exactement. Et qu’il faut que notre homme soit marié avant les élections.

MAGUY. – Sinon ?

PIERRE. – Sinon il ne sera pas élu.

LEANDRA. – Ce n’est pas trop grave. Moi, je cherche seulement un mari, pas un homme politique.

PIERRE. – Mais, s’il n’est pas élu, on risque de lui couper les vivres.

HELENA. – Couper les vivres ?

MAGUY. – Il n’aura plus d’argent.

LEANDRA. – C’est moins intéressant.

HELENA. – Beaucoup moins intéressant.

PIERRE. – Et vous êtes ici surtout pour l’argent. Appelons un chat un chat.

HELENA, se relevant et regardant autour d’elle. – Il est où ?

PIERRE. – Qui ?

HELENA. – Le chat.

MAGUY. – Appeler un chat un chat, c’est une expression.

HELENA. – Une expression ?

LEANDRA. – C’est quoi une expression ?

MAGUY. – C’est une façon de parler. Appeler un chat, un chat, c’est dire la vérité.

PIERRE. – Puisqu’on parle de vérité, mais c’est moi qui parle, Maguy, j’espère qu’il n’y aura pas de sabotage entre vous. Celles qui ne seront pas retenues seront indemnisées.

MAGUY, à Héléna. – ça, ça veut dire que tu recevras du pognon.

HELENA. – Du pognon ?

MAGUY. – De l’argent, quoi !

LEANDRA. – Moi non plus, je n’avais pas forcément compris. Ce n’est pas du français courant.

PIERRE, agacé. – Maguy, c’est moi qui parle.

MAGUY, à Léandra. – D’où viens-tu ?

LEANDRA. – D’Espagne mais je suis Bré-si-lienne, je crois qu’on dit comme ça.  Et vous ?

PIERRE, faisant signe à Maguy de se taire. – Elle ? Elle vient…

MAGUY. –  Du Nord.

HELENA. –  Du nord de l’Europe ?

MAGUY. –  Du nord de la France : je suis une ch’ti.

LEANDRA. –  Une ch’ti ?

PIERRE, même jeu. – Eh bien, une ch’ti, c’est…

MAGUY,  à Pierre. – Je m’en occupe.

HELENA. –  Qu’est-ce que ça veut dire, une ch’ti ?

MAGUY. –  ça veut dire que quand j’ai faim, je vais à l’baraque à frites.

PIERRE. – Maguy, parlez français s’il vous plaît.

MAGUY. – Pourquoi ? La baraque à frites, c’est pas français ?

LEANDRA. –  La quoi ?

MAGUY. – La baraque à frites, les biloutes.

PIERRE. – Non, surtout pas « biloutes » !

MAGUY. – Et pourquoi pas ?

HELENA. – Biloutes ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

MAGUY. – Si vous ne savez pas, vous m’appelez et  je vous dis quoi.

LEANDRA. – Qu’est-ce que vous nous dites ?

MAGUY. – Je vous dis quoi.

PIERRE, à Maguy. – N’en rajoutez  pas.

HELENA. – Et qu’est-ce que vous nous disez ?

MAGUY. – En français, on dit : « Vous dites », pas « Vous disez ».

PIERRE. – Maguy, taisez-vous.

HELENA. – Ok mais qu’est-ce que vous nous…dites ?

MAGUY. – Je vous dis quoi…Je vous explique quoi !

LEANDRA. – Et qu’est-ce que vous expliquez ?

PIERRE. – Elle vous expliquera ce qu’est une ch’ti. Mais pour l’instant, on ne vous souhaite pas la bienvenue chez les Ch’tis mais chez Louis Laverdure..

MAGUY. – Eh les filles, vous avez vu le film ?

HELENA/ LEANDRA, en chœur. – Quel film ?

PIERRE. – Ce sera pour une autre fois, Maguy.

MAGUY. – Bienvenue chez les Ch’tis !

PIERRE. – Une autre fois, Maguy ou plus tard.

MAGUY. – C’est l’histoire d’un Français du Sud…

PIERRE. – Plus tard, Maguy !

MAGUY. – …qui vient dans le Nord.

PIERRE. – Plus tard, nom d’un chien !

HELENA. – Il est où le chien ?

 

NOIR

 

 

SCENE  6 : LOUIS et CELIO, puis HELENA

 

CELIO, rentrant. – Je veux des preuves que tu m’aimes encore.

LOUIS. – Mais tu le sais que je t’aime encore.

CELIO. – Comme avant ?

LOUIS. – Comme avant.

CELIO. – Alors appelle-moi comme avant en chantant.

LOUIS. – Il n’en est pas question.

CELIO. – Tu vois que tu ne m’aimes plus.

LOUIS. – Mais si.

CELIO. – Alors chante comme avant, comme dans la pub.

LOUIS. – Non, on ne peut pas, surtout pas.

CELIO. – Pourquoi surtout pas ?

LOUIS. – On pourrait nous entendre.

CELIO. – Tu ne m’aimes plus…Il s’appelle comment ?

LOUIS. – Qui ?

CELIO. – Celui que tu aimes à présent, celui qui m’a remplacé.

LOUIS. – Personne ne t’a remplacé : tu es le sel de ma vie.

CELIO. – Tes mots sont fades, j’ai besoin de plus d’épices.

LOUIS. – Tu es ma cuisine exotique, tu le sais.

CELIO. – Alors, chante-le.

LOUIS. – On ne peut pas: si on nous surprenait…

CELIO. – Nous sommes seuls dans la maison.

LOUIS. – Tu es sûr ?

CELIO. – Tout à fait sûr. Chante comme dans la pub, c’est un moment que j’adore, je nous sens si complices.

LOUIS. – Bon, d’accord mais pas longtemps. (Il chante en parodiant la publicité pour le chocolat Léo. – Célio, Célio !

CELIO, même jeu. – Célio répond à l’appel de Louis.

(Héléna est rentrée sans qu’on la voie.)

LOUIS, même jeu. – Célio, Célio.

CELIO, même jeu. – Célio répond à l’appel de Louis…Louis, Louis ! (Héléna ressort.)

LOUIS, même jeu. – Louis répond à l’appel de Célio.

CELIO , même jeu. – Louis, Louis !

LOUIS, même jeu. – Louis répond à l’appel de Célio…Stop à présent, c’est trop dangereux !

CELIO. – Trop dangereux de t’afficher avec moi ? N’aie crainte, je me retire sur mes terres, Judas. (Il sort.)

LOUIS. – Célio, voyons, ne le prends pas comme ça.

HELENA, rentrant et chantant à leur façon. – Louis, Louis !

LOUIS, embarrassé. – Mais…mais pourquoi m’appelles-tu en chantant ?

HELENA, même jeu. – Et je réponds à l’appel de Louis. Louis,Louis !

LOUIS, même jeu. – Et je réponds à l’appel d’Héléna…Ah non ! Mais qu’est-ce que je raconte, moi ? Ressaisis-toi, Louis, nom d’un chien !

HELENA, même jeu. – Louis, Louis !

LOUIS. – Je ne réponds plus, Héléna. Je ne suis pas là, je n’étais pas là. D’ailleurs, je pars. (Il sort.)

HELENA. – Mais si il était là. Et encore le chien ! (Se remettant à chanter.) Louis, Louis ! (Elle sort à son tour.)

 

NOIR

SCENE  7: PIERRE, LUCIE, LE JOURNALISTE puis FRANCESCA

 

PIERRE, rentrant et parlant au téléphone. – Oui, voilà, monsieur Laverdure. Ici je peux vous parler librement…Les choses se compliquent parce qu’un fouineur vient mettre son nez dans nos affaires…Journaliste, oui….Didier Fouineur, c’est bien ça. ...Le neutraliser ? Je vais y réfléchir…Les femmes ? Une nouvelle va arriver aujourd’hui…La Française me donne quelques inquiétudes…Son éducation… et les autres ont parfois, comment dire ? quelques problèmes de compréhension…Prendre des étrangères, je ne sais pas si c’était une bonne idée. (Lucie vient de rentrer.)…Mais c’était votre idée !...Oui, vous avez raison, c’était mon idée, je m’en rappelle à présent…Oui, je vous rappelle dès que possible. Au revoir, monsieur Laverdure. (Il coupe la communication.) C’était ton idée, vieux filou.

LUCIE. – Vieux filou, vraiment ? C’était plutôt le petit soldat au garde-à-vous pour son supérieur : « C’était mon idée, parfaitement monsieur Laverdure, c’était mon idée. »

PIERRE. – Lucie, je t’en prie, nous n’allons pas recommencer.

LUCIE. – Si j’ai bien compris, la maison est transformée en bordel, en lupanar de luxe, c’est ça ?

PIERRE. – Bordel, lupanar, tu as de ces mots !

LUCIE. – Et me voilà promue non pas gouvernante mais plutôt… proxénète.

PIERRE. – Mais que vas-tu chercher là ?

LUCIE. – Pas un mari, j’en ai déjà un, à la solde du sieur Laverdure mais elles, elles  cherchent à ferrer un gros poisson nommé Laverdure Junior.

PIERRE. – Je n’aime pas ta façon de l’appeler…un peu de respect s’il te plaît.

LUCIE. – Un peu de respect ? Mais fait-on des choses respectueuses ici ?

PIERRE. – Pas de leçon de morale, je t’en prie.

LUCIE. – Evidemment, au royaume de la finance, pas de place pour la morale.

PIERRE. – Justement : grâce au royaume de la finance, nous sommes grassement payés.

LUCIE. – Les call girls aussi sont bien payées et j’ai l’impression de gérer un réseau.

PIERRE. – Tu exagères toujours.

LUCIE. – Quand je t’ai épousé, je ne pensais pas être un jour la femme d’un souteneur.

 

JOURNALISTE, rentrant. – Veuillez m’excuser mais la porte était ouverte et comme je désirais discuter avec monsieur Laverdure.

PIERRE. – Eh bien, il faudrait lui lâcher un peu les baskets à monsieur Laverdure, si vous voyez ce que je veux dire.

JOURNALISTE. – Jouons franc jeu : des femmes habitent ici.

LUCIE. – Des femmes, parfaitement, je dirais même plus des…

PIERRE. – … amies de monsieur Laverdure.

JOURNALISTE. – Des amies avec l’accent étranger.

LUCIE. – Une Brésilienne qui nous arrive d’Espagne et une Russe sans oublier une ch’ti.

PIERRE, à Lucie. – Lucie, tais-toi. (Puis au journaliste.) Je ne vois pas en quoi cela pourrait vous intéresser.

JOURNALISTE. – Tout ce qui a trait à la politique de cette ville m’intéresse, d’abord en tant que journaliste, ensuite en tant que secrétaire de l’A.C.M.G.

LUCIE/PIERRE. – L’A.C.M.G. ?

JOURNALISTE. – L’Association Contre les Mariages Gays.

PIERRE. – Gays ? Mais il reçoit des amies…pas des amis.

JOURNALISTE. – Des femmes pour faire croire qu’il est hétéro alors qu’il est homo.

PIERRE, s’emportant en s’adressant au journaliste.) Vous n’êtes qu’un sale fouineur.

JOURNALISTE. – Je ne vous permets pas.

PIERRE. – Sortez et allez écrire que monsieur Laverdure possède un harem si ça vous chante.

JOURNALISTE. – ça me chante effectivement.

PIERRE. – Sortez.

LUCIE, à Pierre. – Mais enfin, sois poli avec monsieur.

 

FRANCESCA, rentrant. – Excusez-moi, la porte était ouverte. Bonjour. Ah, vous êtes là, Pierre ?

PIERRE, embarrassé. – Oui…mais vous êtes en avance.

FRANCESCA. – En avance ? Si peu.

LUCIE. – Bonjour, madame…

FRANCESCA. – Francesca Rupi.

JOURNALISTE. – Encore une étrangère ?

FRANCESCA. – Dites donc vous !

LUCIE, à Francesca. – En quoi pouvons-nous vous aider ?

PIERRE, à Lucie et désignant Francesca. – C’est elle…c’est elle qui va t’aider.

FRANCESCA, étonnée. – Ah bon ?

PIERRE, à Lucie. – C’est la dame qui va s’occuper du nettoyage.

FRANCESCA. – Du nettoyage ? Pas du tout, je viens…

PIERRE. – …pour faire le repassage, oui, c’est quelqu’un d’autre qui nettoiera par terre.

LUCIE. – Tant qu’il y a quelqu’un d’autre, parce que moi, ce n’est pas mon fort.

JOURNALISTE. – ça ne me paraît pas encore très clair tout ça.

PIERRE. – Je ne vous le fais pas dire : il ne fait plus très clair ici, un bon nettoyage s’impose.

JOURNALISTE. – Non, une étrangère de plus, ça ne me paraît pas très clair.

PIERRE. – En plus, vous êtes contre les travailleurs immigrés ? Sortez, sale raciste !

FRANCESCA. – Si vous aviez affaire à mon père, il vous en collerait une, espèce de xénophobe.

LUCIE. – Voyons, calmez-vous.

PIERRE. – Sortez.

JOURNALISTE. – Je sors mais je reviendrai parce qu’il se passe ici des choses de plus en plus intéressantes.

PIERRE. – Dehors, raciste ! (Le journaliste sort.)

FRANCESCA. – Xénophobe !

PIERRE, sortant également. – Sale fouineur.

FRANCESCA, même jeu. – Xénophobe !

LUCIE, sortant à son tour. – Mais calmez-vous !

 

SCENE  8: LOUIS et HELENA

 

LOUIS, rentrant suivi d’Héléna. – Mais arrête de me suivre jusque dans la chambre, Héléna. Si tu veux me parler, nous serons mieux ici.

HELENA. – Mais pourquoi Louis ?

LOUIS. – Parce que tout simplement.

HELENA. – Mais j’étais fatiguée, en te parlant, je me serais couchée…

LOUIS. – Non, on ne peut pas coucher…heu se coucher…dans le lit. Il a été refait. C’est mieux ici.

HELENA. – Je veux mieux te connaître, Louis. Comment ça va, biloute ?

LOUIS. –  Ah non ! surtout pas « biloute » ! Qui t’a dit de m’appeler comme ça ?

HELENA. – Mais c’est Maguy. Elle m’a dit qu’il fallait parler comme ça.

LOUIS. – Eh bien ! elle s’est moquée de toi, ça ne se dit pas.

HELENA. – Mais pourquoi ?

LOUIS. – Parce que ça ne se dit pas ici, nom d’un chien !

HELENA. – Encore le chien ? Mais il est où le chien ?

LOUIS. – Mais il n’y a pas de chien, c’est une expression.

HELENA. – Mais c’est quoi une expression ?

LOUIS. – C’est comme dire « Appeler un chat un chat », il n’y a pas de chat, c’est…

HELENA. – …dire la vérité, ça je le sais…et si on dit « Appeler une chatte une chatte » ?

LOUIS. – Non, on ne peut pas.

HELENA. – Mais pourquoi ?

LOUIS. – Parce qu’une chatte, c’est…non, on ne peut pas !

HELENA. – C’est la femelle…c’est comme ça que vous disez en français ?

LOUIS. – Que vous dites, Héléna.

HELENA. – Et pourquoi on ne peut pas le dire avec la femelle ?

LOUIS. – Parce que, nom d’un chien…et ne regarde pas, il n’y a pas de chien…

HELENA. – Mais je ne comprends toujours pas. Explique-moi.

LOUIS. – Tu es une vraie tête de mule !

HELENA. – Je ne suis pas une tête de mule, je suis une tête de femme.

LOUIS. – Mais je sais bien que tu as une tête de femme, c’est une expression…seulement tu es têtue comme une mule.

HELENA. – Comme une mule ? C’est quoi une mule ?

LOUIS. – C’est la femelle du baudet.

HELENA. – Du baudet ?

LOUIS. – De l’âne, si tu veux et le petit s’appelle un mulet.

HELENA. – Et la femelle, c’est une mulette ?

LOUIS, s’énervant. – Non, c’est comme biloute, ça ne se dit pas, nom d’un chien et ne cherche pas le chien : je vais le chercher moi-même.

HELENA. – Où, Louis ?

LOUIS. – Dans ma chambre mais seul, parce que je dois me préparer pour le bal du parti.

 (Il sort.)

 

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