Arlecchino senza maschera

Un monologue. Seul en scène mais plein de personnages en bouche, Arlequin a échangé son masque contre les moustaches de Charlie Chaplin. La scène du bal des autruches au palais des glaces est irracontable, ainsi que le prologue très façon bel esprit XVIIème... le lire serait tout aussi périlleux, décidément voilà du théâtre à voir ! Ouvrez.

Fiche

Année
1984

Extrait

NOIR puis sur scène une lumière épingle un fauteuil 'duchesse brisée'; assises dans un nuage de poudre de riz : deux femmes, ou presque (de l´une d´elle on ne voit que les fesses), précieuses, elles sont ridicules autant que l´accordera le metteur en scène. Elles pourraient sortir tout droit de l´imaginaire de ce Fellini que nous vénérons, le metteur en scène et moi-même. Je suis l´une d´elles. Celle dont on ne voit pas les fesses. La perruque fait mouche et la mouche fait de l´oeil à la bouche en acajou qui se pâme puis s´entrouvre et je joue : Ciel, que cette mine-là ne me dit rien qui vaille! Et bien, ma chère, qu´en dites-vous? á quoi bon ce silence? Brisez-le là s´il vous plait ou bien dites moi ce que cache cette volonté de ne me point répondre. Mais oui, voyons, je vous demandais si vous connaissiez le héros de cette comédie que l´on nous jouera tout à l´heure? (un temps et un regard vers cette partie obligatoirement muette de l´anatomie de cette chérie à qui je m´adresse) Il faudrait bien pourtant que vous en ayez une idée, sans quoi je m´interroge sur l´endurance de ces minutes d´attente que vous supportez si vaillamment. Il est vrai que l´une n´exclue pas l´autre. Je veux dire qu´attendre dans l´ignorance de l´avènement des choses est bien ce à quoi nous nous engageons tout au long de notre existence. Le 'savoir' est peu de chose face au 'pressentiment' et, quant à moi, je préfère sans nul doute ce dernier sentiment-là. Il m´impose un mystère délicat auquel je ne serais pas assujettie si d´avance je savais ce qui m´attend. Ce n´est que dans l´ignorance de cet avenir que travaille notre fantaisie. Et pour moi, vive cette déesse-là! je lui suis dévouée autant que ma cervelle me le consent. N´est-ce pas là votre attitude, ma chère amie? (regard) Oui, il est vrai que si chez vous la cervelle occupe cette place que vous montrez, nous n´aurons jamais entre nous que l´illusion de nous comprendre (...) C´est d´Arlequin que l´on nous parlera! Mais oui, ma chère. Je vous le donnais en mille et vous l'avez manqué. Cet Arlequin italien, dont on a fait chez nous un Mascarille, vous savez bien. Ce Mascarille qui nous donnait la réplique l´autre soir au sujet de cette chaise qui grâce au ciel nous véhicule dans Paris, tant la ville est crottée. Eh bien c´est lui. Le même, vous dis-je. Le fourbe de ses maîtres qui ne cesse pour leur bien de refaire les affaires que ceux-ci défont à loisir.