Sans l´avis du peintre

L´auteur imagine que les personnages du tableau intitulé "La vierge des palefreniers" ou "Vierge au serpent" du Caravage, dialoguent. Le tableau représente La vierge qui retient l´enfant et l´empêche de mettre le pied sur un serpent, à l´écart , Elisabeth regarde la scène. Sur le plateau une mère de 60 ans, son fils Marco de quarante ans et l´autre femme : le troisième personnage du tableau (cinquante ans). Il est question de la douleur de naître; du partage improbable de cette douleur entre la mère et le bébé et de l´instinct maternel qui voudrait préserver le bébé de toute expérience douloureuse.

Fiche

Extrait

Elle : (Elle sort de la toile) Me voilà. Et maintenant, je fais quoi? Ah oui. Tu m´as dit qu´il fallait le regarder du côté où tout le monde le regarde... pour le voir. Je suis là. Il est venimeux, ça se voit davantage d´ici. Tu m´as dit que ce que je verrai m´aiderai à comprendre. Tu es là? Et tu ne me réponds pas... Tu sais, je ne crois pas qu´il suffise d´en sortir un moment pour ne plus en faire partie. Et tu ne m´aides pas! Marco : (il est assis au milieu des spectateurs) Mais si. Je te regarde d´où tout le monde te regarde. C´est vrai qu´on ne devine pas ton âge. Elle : Tu es trop loin... Marco : Je suis très exactement là d´où il nous a peint... raconte-moi. Elle : Tu m´aideras. Marco : Pas toujours. Elle : Parce que tu veux que je me trompe? Marco : Non. Parce que je t´aime. á quoi penses-tu? Elle : Rien. Non... rien. Marco : Tu disais... Elle : Il y a mes mains d´abord. Une femme qui a mes mains. Elle les glisse sous les aisselles d´un bébé, sans le regarder. Marco : Je suis le bébé? Elle : Attends. Il faut bien que ses doigts glissent. Mais il ne faut pas qu´il lui échappe. Il faut que la chair reste molle sans se dérober. Elle est prête à durcir la prise si le petit corps se dérobe. Elle ne le fait pas. Marco : Tu te souviens de cela. Elle : De ses mains posées comme des ailes sous les aisselles moites du petit corps nu, oui. Marco : Non pas de cela. De ce qu´elle n´a pas fait. Elle : Elle ne lui a pas fait mal. Marco : Ses mains... Elle : Des ailes. Au contact de sa chair ses mains changent. Elle n´a plus besoin de ses doigts. Depuis qu´il est dans sa vie ses ongles ont arrêté de pousser. Le sang qui soûle ses muscles aussi a changé. Elle le sait parce qu´un jour elle l´a goûté. C´était sucré, elle a pensé au nectar, au sang des fleurs. C´est de ce sang qu´est faite la sueur du bébé. C´est sur cette sueur que ses plumes glissent à peine, puis à cette même sueur qu´elles collent. Marco : Comme s´il lui suffisait de le ramener à elle pour qu´il n´ait pas mal.