Jardin Botanique

Rédaction de la postface sous le titre : "Chronique d'un hédoniste".

Fiche

Visuel
Année
2015
Édition
Espace Nord

Extrait

POSTFACE de Rony Demaeseneer
Bibliothécaire-documentaliste, critique, chargé de cours en histoire du livre
Chronique d’un hédoniste
À l’annonce du décès prématuré d’Alain Bertrand, en février 2014 à l’âge de 55 ans, l’ensemble de la critique, tant en Belgique qu’à l’étranger, salua de manière unanime un auteur discret et généreux dont l’œuvre originale, en pleine maturité, révélait un réel talent littéraire. En découvrant les ouvrages d’Alain Bertrand, on est immédiatement séduit par l’élégance d’un style tout personnel et d’une écriture facilement reconnaissable, à la fois vive et tendre, dont les ressorts s’attachent à ces petits riens du quotidien qui font pourtant le tout – le tour ! – d’une vie. Déjà en 2003, Jérôme Garcin soulignait, dans une chronique du Nouvel Observateur consacrée à La Lumière des polders (Arléa, 2003), la beauté de la prose de l’auteur en la comparant à un «buisson d’épilobes ». Il terminait en ajoutant que ce livre rare est un passeport pour le bonheur. On pourrait aisément reprendre cette affirmation pour l’ensemble de l’œuvre. Rares en effet sont les livres qui déploient une telle joie, une telle jubilation dans l’écriture et desquels on sort ragaillardi et comme réconcilié avec le monde. Et c’est sans doute là, pour les proches et les lecteurs qui n’entendront plus la petite musique d’une langue réconfortante, ce qui est le plus révoltant dans cette disparition précoce.
De même, Alain Bertrand aura réussi le pari risqué de faire mentir l’assertion péremptoire d’André Gide selon laquelle on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. Attention, il ne s’agit pas ici d’évoquer quelque sentiment édulcoré ou à l’eau de rose mais bien plutôt l’expression d’émotions fragiles, fugaces que l’auteur arrive à capter par petites touches et qu’il révèle au bain de son écriture, on le verra, souvent très poétique. Une écriture qui, de plus, témoigne d’une ironie fine, parfois caustique, de celles dont on use comme qui dirait sans avoir l’air d’y toucher, presqu’en dilettante. Car si elle apparaît a priori simple d’approche, la langue d’Alain Bertrand est en réalité d’une extrême précision et touche avec justesse et pertinence. Cette apparente simplicité cache ainsi une parfaite maîtrise de l’outil littéraire dont l’auteur connaît tous les registres et dont il sait interpréter toutes les variations, en virtuose. Le tout avec la candeur et la liberté de l’enfant qui s’amuse pendant des heures d’un bout de bois.
De la petite vingtaine de livres qui composent sa bibliographie, on peut isoler trois genres distincts, le roman, l’essai et les chroniques que l’auteur affectionne particulièrement, même si l’empreinte stylistique d’Alain Bertrand reste identifiable dans chacun des titres.