Bjorn aux armées I

Le Jarlal

L’agresseur portait un masque de la Saint-Magnus, une figure de diable, et un chapeau à cornes. Tandis qu’il poignardait Harald Ier, il riait à gorge déployée. Un démon, pour sûr ! Après ce terrible attentat, le vieux roi viking est au plus mal et fait appeler le morphir à son chevet. À peine Bjorn a-t-il eu le temps de profiter de l’affection des siens, de sa gloire toute neuve et des cadeaux offerts par Harald Ier après son expédition victorieuse aux enfers, que le voilà reparti. Sans attendre, il galope à bride abattue vers la capitale avec, à ses côtés, son ami le demitroll Dizir. Sur la route, les nouvelles sont préoccupantes. Des troupes ennemies se massent aux frontières et les royaumes voisins s’apprêtent à envahir le Fizzland. La guerre est imminente. Harald Ier doit se hâter de désigner un jarlal, un guerrier plein d’expérience qui le remplacera à la tête des armées. Ghizur-Loup-Blanc et Bardi le Borgne paraissent les meilleurs candidats au poste suprême. Pour Bjorn, cela ne fait aucun doute… Et si le morphir se trompait ?

Fiche

Année
2010

Extrait

Ce fut d’abord une période heureuse pour le royaume, pour ma famille, pour moi-même. Le roi Harald avait connu de grave problèmes de santé pendant que nous étions aux enfers ; sa mort avait été plusieurs fois annoncée, puis démentie. Il était resté des mois au lit, fiévreux, perclus de rhumatismes et de douleurs variées. Et puis, à l’approche de l’été 1067, il avait retrouvé des forces. Il se remit bientôt à gueuletonner, à chasser, à courir le guilledou. Le peuple cria au miracle, des messes furent données dans la grande église d’Updala, en remerciement de la providentielle guérison.
Lorsque mes compagnons et moi remontâmes des enfers, en décembre de la même année, c’était le plein hiver. Il n’était pas question d’entreprendre tout de suite le voyage jusqu’à la capitale, car le prince Sven, habitué aux chaleurs infernales, fragile comme un oisillon, ne l’aurait pas supporté. Dès lors, Harald dut attendre avril pour revoir le fils qu’il avait sacrifié jadis aux intérêts du royaume.
Sous la terre, Sven avait connu une vie de reclus, ne voyant personne que sa mère adoptive, Mamafidjar, qui le maintenait dans l’enfance. Après trente et une années passées dans la tour Fidjar, prisonnier de l’amour monstrueux de la reine des enfers (elle le battait), le prince Sven était un être craintif, inculte, mentalement mutilé.
Nous avions mis l’hiver à profit pour l’éduquer quelque peu. Étoffer son vocabulaire, lui apprendre les bonnes manières, la propreté… tout cela avait été fait avec une infinie patience, par ma mère, le demi-troll Dizir, ma fiancée Sigrid, ma sœur Ingë… Je lui avais montré comment manier une épée et se tenir sur une selle, mon père lui avait enseigné les rudiments de l’écriture… En somme, nous avions commencé à faire du prince un homme civilisé.