"Fleur de laine"

Publié le  23.07.2013

Le sonotone désactivé la stéréo invalide la seule oreille épouse prisme ambiant une note puis deux en alternance s'écoute la cadence volte face en rond à tâtons j'entends et cherche des pupilles scrutant du tic en tac puis l'oreille en vrille orpheline de sa jumelle me déclare encore forfait
le microphone position on se met alors au diapason
au bout des doigts bouche fleuret mouche
en mode alerte
aspire tic tac
headphone à l'autre bout en avant prêt partez

« Fleur de laine » « Fleur de laine »
et bis volte face « Fleur de laine » [froid]
« Fleur de laine » « Fleur de laine »
bras vertical tâtonne [glacé]
« Fleur de laine » « Fleur de laine »
horizontal poignet rondelle [se réchauffe]
« Fleur de laine » « Fleur de laine »
écrou coquille et lame « Fleur de laine »  [brûlant]
                                                          touché.

délicatement soulève le couvercle et trouvé là
un réveil enfermé dans une boîte à chaussures
je compte mes pas
j'ouvre et ferme tantôt un tic en clair un tac plus sourd et compte encore mes pas
sous le tunnel un train passe
je reste ainsi mille temps à fouler le grand sable les yeux clos
et m'enroule intégrale dans l'oreille gauche
le serre-tête amplifié mono
le métronome marquant le pas
de la pensée par ricochet
ainsi mon oreille boîte à musique
regorge de signaux

c'est alors qu'à contre temps un autre son m'éveille
gratte griffe sur plancher derrière cloison je devine
les deux pattes avant d'un chien
tantôt à gauche-droite-au centre grattent sol
à tâtons volte face cherche le chien

« Fleur de laine » « Fleur de laine »
et bis volte face « Fleur de laine » [tiède]
« Fleur de laine » « Fleur de laine »
bras vertical en demi cercle balaye [se réchauffe déjà]
« Fleur de laine » » Fleur de laine »
horizontal poignet rondelle [se réchauffe encore]
« Fleur de laine » « Fleur de laine »
écrou coquille et bouche mouche « Fleur de laine » [brûlante]
                                                              touché.

c'est là.
un chien juste derrière la cloison
un va et vient pattes griffes incessant

d'une voix humaine comme la « Sirène de Saint Pierre »
s'élève un aaa uuuu iii
à pieds joints me parvient : ça-suf-fit.
une porte claque
comme le coffre d'une voiture et moi dedans
puis silence
le chien toujours là
renifle
Sainte Truffe capteur authentique derrière cloison m'entends-tu ?
le microphone à bout de bras tapisse ta paroi
puis par intermittence ton aboiement sourd une fois
intercalé entre le tic et le tac plus franc deux fois
je t'entends le chien.
Silence
Je mets en off le microphone
je n'ai rien enregistré seulement amplifié le prisme ambiant
je rassemble sons en pensées et j'imagine une vague en aboi sur la cité
je sors ensuite un disque de sa pochette
celle-ci représentant un chien berger
le même d'ailleurs qui derrière cloison 
vu quelques rares fois sur la place d'en face
j'ouvre grand la porte fenêtre donnant sur celle-là
à plein volume
je mets sur play  « Entendre les chiens » de Boltanski

mon voisin canin s'est remis à aboyer
il hurle maintenant
je ne perçois plus aucun tic ni aucun tac
il hurle derrière la sirène trépassant
j'ouvre la boîte à chaussures
le réveil s'est arrêté.

Seuls les chiens sont aux abois.

À découvrir aussi

Muses de Bela - Emmanuelle Pol

  • Fiction
Au départ, il y a l’envie de provoquer la rencontre. De voir comment les pratiques se répondent, ricochent, ou pas, font des grands écarts. En 2015, pendant la Foire du Livre, nous invitions des ...
  • Écrit
femme avec cheveux bouclés bruns penchant la tête sur le côté devant poiriers

Gilda dentata : texte de Marine Forestier

  • Fiction
Pour le feuilleton estival de Bela, Marine Forestier a écrit une nouvelle de science-fiction qui parle de chirurgie dentaire à suspense.

Lucille Calmel - Collage pour Bela

  • Fiction
Retrouvez le collage de Lucille Calmel pour bela en cliquant ici

La main

  • Fiction
La main    Images, oui.  Orage d'été, train de nuit, carré blanc de lumière. Des images se montrent et s'emmagasinent en nous. Mémoire. Celles intérieures, recomposées, n'ont plus qu'à...