Bulldozer

Bien avant ma naissance, on appelait Détroit “Motor City”. C’était la capitale de l’automobile, du progrès ! Aujourd’hui, des quartiers entiers sont démolis. Les habitants, menacés d’expulsion. Alors, j’ai décidé d’agir…

Roman suivi d'une postface sur Détroit, ville en décroissance démographique et économique.

Fiche

Visuel
Images
Année
2022
Édition
Cotcotcot éditions
Distribution
Esperluète
Co-auteur.trice(s)
Evelyne Mary

Extrait

(...) c’est toujours les mêmes qui trinquent, selon mon père. Les

mêmes qu’on sacrifie quand tout va mal. D’abord ceux qui n’ont

pas de statut : les personnes invisibles, qui travaillent à la petite

semaine et se débrouillent comme elles peuvent. Puis les petits

salariés, les fonctionnaires, les professeurs, les bibliothécaires, les

aides-soignants, les commerçants. Finalement, les banques ont entraîné

toute la classe moyenne dans leur chute. Elle s’est cassé la

figure et personne n’a voulu la relever. C’était plus simple de sauver

le marché, la finance, le système, que de venir en aide aux gens.

Quand l’usine où il travaillait a fermé, il y a plusieurs années, Bob et

Nancy ont décidé de résister. C’est comme ça qu’ils ont dit. Résister.

Maman et papa ont dit qu’on allait les aider et qu’ensemble on

serait plus forts. Papa et Bob ont marqué le coup en ouvrant deux

bières, puis deux autres… Ils rigolaient beaucoup, et maman et

Nancy avaient l’air soulagées. Mais cette fois-ci, personne ne parle

de résister. La seule chose dont ils discutent ensemble, c’est de la

ville où Bob et Nancy ont décidé d’aller vivre. Une ville beaucoup

plus petite, à plusieurs centaines de kilomètres d’ici. Bob a de la

famille là-bas : son cousin Ray a promis de l’employer dans son

garage dès que l’année scolaire sera terminée. Un vrai contrat, cette

fois. Déclaré, a dit Bob. Avec son salaire, ils pourront louer une

maison avec jardin, près de la mer. Nancy n’aura peut-être même

pas besoin de travailler tout de suite… Dès que Bob en parle, je

vois que Nancy a envie de pleurer, mais personne ne dit rien, parce

qu’il n’y a rien à dire.

Fichiers