Le Décret du 2 mars (roman)

Année 2065 : un État mondial gouverne les pays. La paix règne, l'économie se porte bien.

Un savant américain excentrique, le professeur Folliett, découvre un sérum qui permet de devenir immortel. Comment dès lors contrôler l'utilisation de cette invention géniale pour éviter la surpopulation ? Des questions d'éthique sont posées sur le vieillissement et la mort. Un décret - celui du 2 mars - est voté selon lequel les individus auront, suivant certains critères, l'obligation ou l'interdiction de subir le traitement qui rend immortel. Marie, jeune biologiste belge, Julian, son ami américain, et Folliett vont vivre l'avant et l'après-décret, les révoltes et les soulèvements, les problèmes existentiels cruciaux de l'individu écrasé par une loi impitoyable.

http://www.francoisepirart.be/biblio_roman_le_decret.html

Fiche

Visuel
Année
1994
Édition
Luce Wilquin

Extrait

Le vieil homme fixait un point au loin, les mains appuyées à la balustrade, le buste légèrement penché. À ses pieds était posée la mallette de cuir. Le vent rejetait vers l’arrière ses cheveux gris et une volonté farouche émanait de son visage tendu. Il ressemblait à un prophète. Elle regarda ses mains : elles étaient crispées, agrippées au bord de la balustrade comme deux serres, et des veines bleutées saillaient sous la peau.
« L’expérience que vous avez faite sur vous, prononça-t-elle douloureusement, comptez-vous en parler au Congrès ? »
Il tourna la tête vers elle, revenant soudain sur terre.
« Ah, Marie, Marie... Vous êtes si jeune, si naïve... Je suis ici pour ça et uniquement pour ça, fit-il en détachant les syllabes.
- Vous m’aviez dit que vous comptiez faire un rapport sur les recherches de vos collaborateurs. C’est donc faux ?
- Disons que... ce sera une partie de ma communication mais pas l’essentiel. Ça vous satisfait ? »
Décontenancée, Marie le regarda. Elle était impuissante face à ce vieil homme pour qui plus rien ne paraissait compter que sa découverte. Il était malheureux, l’obsession le rongeait ; elle pouvait le deviner rien qu’en observant ce visage de Christ tourmenté qu’elle avait trouvé si beau il y avait quelques minutes. Les joues étaient creusées, des plis profonds barraient le front et une barbe de quelques jours donnait à l’expression quelque chose de diabolique. Un diable triste, songea-t-elle.
« Oui, je dévoilerai les résultats des expériences que j’ai effectuées sur moi ! Oui, je prouverai que j’ai acquis l’immortalité, si c’est ça que vous voulez savoir ! Je ne peux plus attendre, poursuivit-il rapidement. Je ne peux plus attendre l’expiration du délai que je m’étais fixé ! Ce n’est plus possible maintenant. J’ai passé ces trois derniers mois à travailler au labo, la nuit, seul. Et tout, absolument tout, confirme la validité de mon idée de départ. »
Il s’interrompit, haletant, et jeta un coup d’œil méfiant autour d’eux.
« On a découvert que je travaillais la nuit. Je ne peux plus faire confiance à personne sauf à vous. Mais, cette après-midi, je serai enfin délivré du secret. »