Muses de Bela - Marie Colot

Publié le  02.03.2015

Au départ, il y a l’envie de provoquer la rencontre. De voir comment les pratiques se répondent, ricochent, ou pas, font des grands écarts. En 2015, pendant la Foire du Livre, nous invitions des auteurs dans un salon aménagé sur notre stand. On leur a dit: soyez la muse l’un(e) de l’autre. On leur a dit aussi: on aimerait que vous parliez de votre métier d’auteur. On a ajouté: si vous nous envoyez un portrait après, ça nous intéresse – mais si vous préférez partir sur la fiction, l’illustration, la poésie,… allez-y. On leur a dit enfin: vous avez 48h pour nous envoyer votre création après la rencontre.

Vendredi 27 février à 14h, Valérie de Changy et Marie Colot ont pris place dans notre salon. Voici le texte que Marie a écrit suite à la rencontre « Muses »:

 

Là-haut sur la colline

 

Il est 10h00. Et à 10h00, au village, c’est l’heure de la pause. On se retrouve chez Juju le temps d’un café. Elle fait les meilleurs du coin alors qu’elle a la plus petite cuisine. On est un peu serrés autour de la table. Mais on a bon, on rigole bien et, par la fenêtre, on regarde la colline. Il y a Claude, le boucher, Patrice, le bûcheron et Christian, le facteur.

- Tu sais ce qu’elle trafique la femme d’en haut ?

Juju est très curieuse : elle échange son café contre des ragots.

- Elle s’appelle Valérie. Valérie de Changy.

- De quoi ?

Patrice est un peu sourd d’oreilles.

- DE-CHAN-GY, j’te dis !

Christian sort de son gros sac une des enveloppes qu’il apportera là-haut tout à l’heure. Il montre du doigt le nom, juste avant que Juju lui prenne le courrier des mains.

- Ça vient de l’éducation nationale !

- Pff. Encore une enseignante.

- Non, les gars : elle bouge pas de chez elle.

- Qu’est-ce qu’elle fiche alors ?

- Elle travaille.

- Ah bon ?

- Elle creuse, elle retourne, elle sème, elle plante et elle coupe…

- Je parie qu’elle est végétarienne. Pas de chance pour mon boudin.

- Elle cultive quoi ? Parce que si elle a du panais, moi, ça m’intéresse.

- T’as rien compris, Juju ! Elle écrit !

- Pardon ?

- Oui, et tenez-vous bien, il paraît qu’elle écrit un roman.

- Un roman ? Mais ça nourrit pas un homme ça !

- Surtout qu’elle m’a expliqué que le précédent lui a pris quatre ans !

- Même engraisser un cochon, ça prend moins de temps.

- Il faut quand même être un peu dingue…

- Je sais pas. Elle m’a l’air plutôt normale. Et vous devriez voir son potager ! Elle a la main verte, il y a pas de doute.

- Attends, Christian. C’est quoi cette histoire ?

- Oui, on comprend plus rien. Elle écrit ou elle cultive ?

Juju a l’habitude de s’énerver pour un oui ou pour un non.

- C’est pourtant simple. Elle fait les deux.

- Elle travaille beaucoup, alors !

- Oui. Mais, quelque part, c’est un peu pareil.

- Hein ?

- Qu’est-ce que tu racontes ?

Alors Christian achève son café d’une traite et enfourche sa mobylette. Il monte là-haut. Il aimerait savoir si les fraisiers sont plantés et le premier chapitre bouclé.

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