Maman, je suis un réfugié

Maman, je suis un réfugié est un récit écrit à quatre mains pendant l'attente d'une demande d'asile. Né en Irak sous la dictature, Ali Talib grandit en rêvant d'une vie meilleure. Une fois arrivé au pays de ses rêves, il cherche par l'écriture à garder le lien avec sa mère, ses espoirs, l'obstination qui permet de tourner les pages de chaque jour.

Fiche

Visuel
Année
2019
Co-auteur.trice(s)
Ali Talib

Extrait

À côté de la maison de mes parents, il y a un jardin en triangle. Nous nous y retrouvons avec mes amis à la tombée de la nuit. Quand j’étais enfant, nous courions autour des arbres. La guerre est finie maintenant. Nous branchons une télé et un magnétoscope pour regarder des films d’action américains ou égyptiens. Nous apportons des jeux de société et quelquefois nous dansons ou nous chantons. Nous évitons de parler de l’occupation américaine, de la religion et de toutes les divisions qui s’installent dans notre pays. Nous sommes heureux. Les hommes du quartier voient que nous nous entendons bien et nous encouragent. C’est la fin des bombardements, nous croyons que nos années de jeunesse auront lieu sous le signe de la liberté.
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Un jour, deux d’entre nous se disputent. Le ton monte. Des insultes et des coups. Pourquoi ? Je ne sais pas. Je suis curieux et un peu excité. Chacun part de son côté et annonce que plus jamais, ils ne se parleront. Avec les autres, on reste, on s’en fiche. Mais l’un de nos oncles nous rassemble au jardin en triangle et nous dit : « Vous ne pouvez pas laisser une situation comme ça. Il faut intervenir. Faites la paix. Sinon, vous serez responsables des conséquences. Vous êtes plus forts ensemble que divisés. » Nous discutons. Quelqu’un va chercher les deux qui se sont battus. Les explications commencent. Ça devient drôle assez vite. Nous nous moquons les uns des autres. En moins d’une heure, tout le monde est réconcilié. Nous ne sommes qu’un groupe de garçons, pas un pays. Je ne sais pas que les petites disputes anodines vont bientôt se répandre entre les citoyens et nous séparer. Le jardin en triangle est toujours là, mais autour, la haine va s’installer. Des corps vont tomber. Du sang aimé va couler sur le sol où je me suis amusé. L’Irak L’un des cinq pays les plus dangereux au monde