Jean-Marie Piemme

  • Écrit / Spectacle vivant / Son / Audiovisuel

Pour un théâtre littéral

Texte paru dans Etudes théâtrales, n° 26, 2003.

Fiche

Année
2003

Extrait

Il est au théâtre des modes d’existence de la parole autres que celui qui consiste à l’incarner a priori dans un personnage. Ou plus exactement, que si personnage il y a, il est à concevoir comme un porte-voix, un corps qui émet plus que comme double fantasmé de quelqu’un dont l’existence dans le réel pourrait être attestée…Ce théâtre-là demande que l’acteur cherche avec le texte, cherche ce que le texte lui propose…L’acteur n’exprime pas le texte, il ne le met pas à distance, il joue du texte, se joue de lui, joue en lui avec lui, contre lui, à côté de lui…il y a peut-être une place pour l’acteur-explorateur qui fouille la matière qu’on lui donne, hallucine et commente quand il le faut, mais surtout sait capter le mouvement de la langue, ses incongruités, ses ruptures, sait restituer la gymnastique des mots et des phrases, distribuer l’hétérogène de façon audible, avec force, avec art, bref un acteur physique qui travaille finement la matière de la langue et fait surgir le fantasme de ce qu’elle est supposée représenter sans y céder. L’acte de dire, d’engager son corps dans le dire prend le pas sur la métamorphose. L’acteur et son corps labourent la langue (affaire de souffle, de rythme, de musicalité, de sens des ruptures, de capacité citationnelle, de précision dans le dire, de disponibilité corporelle, de tension productive entre la ligne des significations et le corps qui les énonce, etc.) et laisse au spectateur le soin d’engranger les contenus.