Un sommeil agité

Un sommeil agité nous plonge dans les rêves mouvementés d’un enfant de quatre ans s’imaginant que son papa ne l’aime plus. C’est une nuit fertile en rebondissements rythmés par les apparitions des personnages de ses rêves, de son ange gardien, de la fille de Morphée et d’un diable. Bref ! c’est une lutte entre les forces du bien et du mal. Qui triomphera ?

Fiche

Année
2000
Production
CLUB THEATRE DE L'ATHENEE D'ANVAING

Extrait

SCENE 1 : les parents (Martin et Elodie)

(Elodie rentre en scène côté jardin, elle regarde sa montre, impatiente. Martin rentre en scène à son tour par la porte centrale.)

ELODIE – Te voilà enfin ! Où donc es-tu encore allé traîner ?
MARTIN – Mais nulle part, chérie. Je ne pouvais pas quitter le bureau sans avoir terminé la préparation du dossier pour que nos ingénieurs puissent travailler demain matin.
ELODIE – Ben voyons ! Et de quoi s’agissait-il ?
MARTIN – Top secret ! Tu sais bien que je n’ai pas le droit de révéler quoi que ce soit sur nos projets d’équipement de la fusée Ariane.
ELODIE – Mais je ne suis pas une espionne industrielle.
MARTIN – N’insiste pas, tu ne sauras rien. Et crois-moi, cela vaut mieux pour notre sécurité à tous.
ELODIE – Ah bon ! j’espère que tu me préviendras quand même le jour où je devrai t’appeler James Bond.
MARTIN – Oh ! ça va, arrête ton cinéma, s’il te plaît !
ELODIE – Dis donc, James, j’espère que tu as pensé aux courses de maman ?
MARTIN – Mince ! j’ai oublié.
ELODIE – Comment, mince ? Elle est plutôt forte, celle-là ! A force de travailler pour ta fusée Ariane, tu es carrément dans la Lune.
MARTIN – Ce n’est pas bien grave.
ELODIE – Evidemment, dès qu’il s’agit de maman, ce n’est jamais grave. Mais dès qu’il s’agit de la tienne, tu en fais une affaire d’Etat, comme pour ta fusée !
MARTIN – Elodie, je t’en prie, restons-en là.
ELODIE – Soit ! Je vais me coucher. Et je te signale que ton fils l’est déjà depuis bientôt une heure et qu’il a vainement espéré ton retour pour que tu lui lises une histoire.
MARTIN – Ne commence pas à me culpabiliser, mon retour tardif ne veut pas dire que je le néglige. Je l’aime autant que toi.
ELODIE – Alors, va l’embrasser avant d’aller dormir.

(Elle sort côté jardin. Il se dirige côté cour vers la chambre de son fils et y rentre. Après quelques instants, il en ressort, l’air soucieux.)

ELODIE – Martin, tu viens ?
(Un temps.)

MARTIN – Oui, un instant, j’arrive.
(Elodie revient côté jardin.)

ELODIE – Alors, que se passe-t-il encore ?
MARTIN – Rien de bien grave mais…
ELODIE – Il a encore un sommeil agité ?
MARTIN – Oui. J’ai l’impression qu’il passe trop de temps devant la télévision.
ELODIE – Nous sélectionnons ce qu’il regarde, pourtant. Les Walt Disney n’ont jamais tué personne.
MARTIN – Non, bien sûr ! Ce qui est curieux, c’est qu’il mélange tout.
ELODIE – Tu sais bien qu’il adore la soupe.
MARTIN – Tu as raison. Ne nous cassons pas la tête. Allons plutôt nous coucher.
(Ils sortent côté jardin.)
SCENE 2 : deux anges (A1 et A2) et un démon (D)

(Deux anges entrent ensuite en scène à quelques secondes d'intervalle par la porte centrale. Le second surprend le premier occupé à regarder par le trou de la serrure dans la chambre de l'enfant.) (A la fin de la scène, les personnages sortiront par la porte centrale.)
A1 - Que fais-tu là, toi ? Qui es-tu ?
A2 - Je suis la fille de Morphée. Et toi ?
A1 - Je suis son ange gardien.
A2 - Tu me dois donc obéissance.
A1 - Ah ! et pourquoi ?
A2 - Si je suis la fille de Morphée, je suis donc fatalement la gardienne de son sommeil.
A1 - Moi, je suis la gardienne de sa vie. En quoi serait-ce moins important que le sommeil? C'est une histoire à dormir debout.
A2 - C'est la qualité du sommeil qui fera la qualité de sa vie. Voilà pourquoi c'est plus important.
A1 - S'il mène une existence équilibrée grâce à moi, il trouvera facilement le sommeil. Donc, il n'aura pas besoin de toi.
A2 - Si je suis ici pourtant, c'est parce qu'il a besoin de moi. Il s'en chuchote des choses au royaume des songes.
A1 - Et que chuchote-t-on dans ton pays du sommeil ?
A2 - Que le sien est agité. Et comme nous attachons une attention spéciale à tous les enfants, j'ai décidé de venir le veiller.
A1 - En somme, tu n'as pas un boulot important : tu n'es qu'une veilleuse de nuit. Moi, je veille et je surveille à temps plein.
A2 - Il est des occupations à mi-temps beaucoup plus importantes que des travaux tels que le tien. Surtout que tu ne dois plus avoir une minute à toi.
A1 - Forcément, mes minutes sont à lui. Pour lui.
(Un démon, tout de rouge vêtu, sort de la chambre de l'enfant.)
D - Une querelle d'anges, comme c'est touchant ! Vous me mâchez la besogne.
A2 - Qui es-tu ? Tu ressembles à un démon.
D - Vous êtes sur la bonne piste, mes anges.
A1 - Nous ne sommes pas tes anges.
D - Soit ! Si je ressemble à un démon, c'est parce que je suis en réalité sa mauvaise conscience.
A2 - Sa mauvaise conscience ?
D - Mais oui, le petit a un sommeil agité. Quelqu'un qui n'est pas reposé est forcément susceptible, agressif. C'est du pain béni pour moi.
A1 - Du pain béni pour un démon, tu n'as pas peur de la comparaison ?
D - Je m'amuse avec le langage comme je m'amuserai à perturber davantage son sommeil.
A2 - Nous ne te laisserons pas faire.
D - Ah ! et comment ? Vous oubliez qu'il vous est interdit d'user de violence, mes belles !
A1 - Nous ne sommes pas tes belles !
D - Oui, je sais : vous n'êtes ni mes anges, ni mes belles. Mais si vous ressemblez à Blanche-Neige, je serai la sorcière qui vient offrir la pomme à votre protégé.
A1 - Nous t'en empêcherons. Nous transférerons notre force et notre bonté à tous les personnages de ses rêves.
D - Eh bien ! de mon côté, j'influencerai, négativement bien sûr, ceux dont le cœur incline déjà vers le mal. Nous verrons qui sera le plus fort.
A2 - C'est tout vu : nous sommes deux et nous ne ferons plus qu'un dans notre lutte.
D - Cela promet. Retirons-nous à présent, car le combat va commencer, il se met à rêver.