Ecrire enfant

Publié le  18.02.2011

Ecrire enfant. Apprendre enfant de sept ans le mot invincible. Vouloir l'écrire. Se prendre pour un mot. Vouloir s'écrire.

 

Demander pour Noël un cahier bleu, ou vert. Ecrire qu'un château de sable, c'est pas invincible. Ecrire que tout ça c'est des carabistouilles. Montrer à son papa. C'est tout ? Lui répondre non, c'est le début.

 

Ecrire enfant de neuf ans pour faire plaisir. Des rédactions qui finissent bien. Ecrire enfant de dix ans qu'il pleut des petites gouttes grises sur la fenêtre, et qu'elles s'écrasent. Montrer à sa maman. Mais non, ne pas écrire des choses tristes. Comprendre que sa maman est une chose triste, et qu'elle ne veut pas qu'on l'écrive. Oser l'écrire.

 

Ecrire enfant son premier roman terrible, et l'appeler « la tenderie ». C'est l'histoire d'un enfant qui tue son papa. Montrer à son papa. Regarder en pleurant le paysage de neige avec piège à oiseaux, et ne pas tout comprendre.

 

Ecrire des poèmes. Savoir enfant petit qu'on sera écrivain, et s'en foutre. Savoir que le cahier vert est invincible, et le jeter à onze ans parce que vraiment c'était pas bien écrit.

 

Réécrire la tenderie quatre fois, l'appeler « la cage aux cris ». Devenir écrivain ce jour-là, et sourire devant les gens qui ne se doutent pas. Vendre sa cage aux cris à ceux qui ne se doutent pas.

 

Ecrire pour un cahier vert, écrire pour le cahier vert des autres, écrire pour les châteaux de sable et les carabistouilles.

 

Ecrire parce qu'on a perdu ses crayons de couleur à sept ans.

 

Ecrire ses chagrins de peau sous le ciel de février, dire que ce n'est rien, voyez-vous, juste un rêve de gosse, le fruit de l'arbre naïf.

 

Ecrire ton sang d'encre, petit, pour ne plus avoir peur du noir. Ecrire ton dégoût, et ton ventre. Ton souffle. Ta voix. Ta page nocturne. Bâtir, enfant, des châteaux de carabistouilles. Et rire.

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