FAME 2022 : "Ce n’est pas un festival qui veut sauver le monde"

Publié le  16.09.2022

Du 19 au 24 septembre 2022, FAME entame sa première édition ! Organisé dans plusieurs lieux bruxellois (Riches-Claires, Tour à Plomb, KVS, Montagne magique, etc.), ce festival interdisciplinaire a vocation à faire dialoguer les arts de la scène et les féminismes. Au menu : des pièces de théâtre et de danse, des conférences, des ateliers et des cartes blanches données à des collectif·ves de la ville qui travaillent sur les questions de genre, queer, de précarité.

Depuis le mois d’avril 2022, Aliette Griz a rejoint l’équipe du festival FAME, du côté des dispositifs de relations et de rencontres avec les publics, (qu’on pourrait résumer par le terme de « médiation » mais on ne le fera pas, parce qu’au FAME, on aime les mots et voir comment iels font ping pong entre nous). On aime que les visions s’élargissent et permettent d’être aussi, d’être avec, d’être encore. D’être plus. C’est dans cet esprit qu'Aliette a enfilé son costume d’auteurice pour décortiquer dans le Belazine, en 6150 signes espaces compris, l’acronyme du FAME en compagnie de Camille Khoury, la directrice artistique du festival. Ensemble, iels ont choisi de ne pas dérouler la progra mais de livrer, à travers cinq mots, comment le festival s’est conçu, et comment il s’est déployé, avec l’ambition de mettre en valeur le travail des femmes et minorités de genre.  

affiche bleu et rose avec couleurs diluées au centre
© affiche du festival FAME 2022

FESTIVAL

Un mot pas forcément moteur ni interrogé. Un appel à projets de la ville de Bruxelles.

Tout de suite, je me demande : qu’est-ce qu’on en fait de la notion de festival ? Je suis habitée pendant des mois par une réflexion sur les autres festivals d’arts de la scène. Je souhaite que ce festival pose quelque chose qui ne soit pas éphémère. En engageant des réflexions. Comment on va travailler en équipe et avec les artistes ? Comment on va  être au plus proche des valeurs qu’on veut transmettre ? Ce n’est pas un festival qui veut sauver le monde. C’est un laboratoire, qui propose des outils à expérimenter sur comment faire les choses différemment. Comment on prend acte des constats de violence, et qu’est-ce qu’on peut imaginer pour y faire face. Quelles tentatives on peut mettre en place ? Pour être à l’intérieur du secteur et faire différemment.

where

Le #where, c’est autant une démarche qu’une tente qui abritera des cartes blanches et peut-être la seule injonction que je me suis fixée : chercher comment situer d’autres lieux, au sein du festival qui en avait déjà avec la progra existante, quand je suis arrivée. Cela permet d’autres croisements dans la programmation. Un lieu, aussi, où les équipes se croisent.

On a différentes casquettes et on fait différents métiers. On passe notre temps à explorer des lieux, et à les rendre familiers ou à s’en sentir étrangers. Le #where renvoie aussi pour moi aux choses non maîtrisées. À quel moment est-on complètement pro ? C’est quoi le juste lieu pour poser des questions et comment garder des mots à la portée de toustes. Le #where permet un décalage. Je pense à l’intervention de Christine Aventin et Alice Rivières. Leur proposition casse le discours et n’affirme aucun surplomb. C’est drôle et surprenant. Elles ne disent pas : nous on est des pros et on vient vous parler de validisme.

ARTS

Le mot « arts » fait partie de l’enjeu de ne pas sectoriser le festival dans un domaine artistique, comme pour d’autres festivals, spécialisés. Mais c’est compliqué de définir ce mot.

Je pense au lien, que tu fais peut-être, sur le « faire différemment ». Casser une frontière entre amateur.e.s et pro.

Tu as l’impression qu’on a réussi ça ?

Oui. Un exemple : le travail de Camille Husson, qui est partie d’un texte poétique, qui invente de nouveaux imaginaires pour parler des fantasmes et des désirs qui sont laissés dans l’ombre. Je trouve que sa démarche est à la fois extrêmement professionnelle, et complètement ouverte à la question des voix de toustes. Elle ne donne aucune leçon, et propose que tout le travail soit relié à des écritures avec des publics. Et puis, il y a plein de petits ricochets entre les programmations. Des choses se sont mêlées. Les autrices du Manx cat donnent un atelier, accompagnées des archives avec lesquelles elles ont travaillé, en invitant les participant.e.s à évoquer ce qui fait archive pour elleux.

On gagne à croiser les disciplines sans les fusionner. On trouve des choses intéressantes à faire entre techniques. Il n’y a pas de pureté disciplinaire. Le pluriel n’est pas qu’un pluriel de juxtaposition.

Le mot « arts » a une dimension un peu pompeuse. Et en même temps, qui s’intéresse vraiment au mot, comme à quelque chose qui a trait à l’artisanat ? Qui permet de faire des choses pour produire des choses. Souvent on s’intéresse plus au mot « culture » qu’au mot « art ». Avec une vocation d’éducation, une mission. Les études sur les arts de la scène montrent bien que la culture n’est pas exempte des travers et de l’identité de la société.

L’art, pour moi, permet de plonger dans la matière. Créer quoi que ce soit (mise en scène, poésie, etc.) est un travail d’orfèvre. C’est ça que j’avais envie de valoriser. Je suis d’accord avec le fait que l’art crée des imaginaires et des mondes possibles. Mais l’art n’est pas déconnecté du monde. On le voit avec les modifications du statut d’artiste. Cela a des conséquences sur les possibles pour produire de l’art. Il n’y a pas de l’art qui se déploie, sans limite, en dehors des vies matérielles des artistes.

Pour concevoir le projet du Manx cat, qui a permis l’écriture de cinq pièces de théâtre, on a lancé une commande à trois autrices, Marthe Degaille, Capucine Berton et Marie Vaiana, qui sont parties des archives des féminismes belges, pour raconter des parcours de femmes oubliées.

MEET

Un « festival féministe », c’était le titre générique. Cela fusionne tout de présenter les choses ainsi. Je voulais à tout prix empêcher ça. Je me suis cassé la tête sur la définition de ce que serait un festival interdisciplinaire, dit « féministe », dans le domaine de la culture. Est-ce qu’il ne fallait programmer que des œuvres des artistes qui ne parlent que frontalement de féminisme, parce que le féminisme, c’est une militance. Ou se dire que le féminisme, c’est plus du domaine épistémologique ? Ou alors partir des cultures féministes, et de leurs histoires ? En même temps, il devrait y avoir une démarche féministe, indépendante des thèmes des œuvres produites. Un festival n’est pas qu’un espace de lutte. Nous avons voulu créer des dialogues entre luttes et arts. Il fallait une progra qui soit sur différents plans, permettre des échos. Expérimenter différents types de dialogues entre les arts.

EMPOWERMENT

Un mot qui n’est pas mon mot préféré. Il est beaucoup utilisé dans un cadre de développement personnel dépolitisé. Mais je trouvais ça chouette de créer un espace dans lequel les gens se disent : je peux avoir du pouvoir pour explorer. Il y a des chemins possibles pour ne pas créer des catégories fermées. La question du pouvoir n’a pas forcément une dimension négative.

Pour finir, dans quel ordre mettrais-tu les mots, et qu’est-ce que ça donne en acronyme ?

MWAEF Meet where, et puis arts et empowerment ensemble au même niveau. Festival, en dernier.

Je propose WMAFE were meet arts festival and empowerment.

Si vous voulez nous proposer votre acronyme, écrivez-nous. Et venez nous visiter au festival FAME du 19 au 24 septembre 2022 à Bruxelles.

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