Spécial copinage (mon Avignon 2011 - jour 3)

Publié le  18.07.2011

 

 

Ceux qui me lisaient ici-même l'an dernier et ceux qui me suivent sur Twitter savent combien j'aime le Théâtre des Doms. Lieu institutionnel des Belges francophones à Avignon, les Doms sont parvenus, en une décennie, à s'imposer comme un espace de travail rare, convivial et professionnel, où de précieuses rencontres ont lieu, où créateurs, publics et décideurs sont accueillis avec soin, discutent ou débattent joyeusement, reviennent ensemble sur la saison passée et préparent l'avenir. Magie du lieu, ceux qui dans les bars des théâtres bruxellois se saluent à peine se tombent ici dans les bras et s'entretiennent chaleureusement...

J'ai eu la chance de présenter aux Doms en 2008 les entretiens que j'ai menés avec Jean-Marie Piemme publiés par Alternatives théâtrales. J'ai eu l'immense privilège d'y montrer vingt fois l'an dernier Les Langues paternelles, spectacle en tournée depuis grâce à cette mise en lumière exceptionnelle.

Parmi les dix spectacles proposés aux Doms jusqu'au 28 juillet, en voici deux, particulièrement accordés à l'esprit du lieu, spectacles sans esbroufe et bien faits, l'un et l'autre conçus sur base du texte récent d'un auteur belge : « Rue du croissant » et « Hors-la-loi » (je ne parlerai pas encore des huit autres, pas encore vus).

 

« Rue du croissant » est un texte de Philippe Blasband, porté par Mohamed Ouachen, sous l'œil bienveillant de David Strosberg. Ouachen y esquisse le portrait de plusieurs dizaines d'habitants d'une même rue bruxelloise ; une intrigue se noue sur ce terreau sociologique. Alors que l'exercice de virtuosité laissait présager une atmosphère de one-man-show, c'est tout le contraire qui opère : la sobriété du dispositif, l'impressionnante finesse de la gestuelle, la rythmique dans les transitions d'un personnage à l'autre, les lumières et la musique, imposent un temps théâtral judicieux et beau. Seul bémol à mon avis : un texte qui tire la réalité bruxelloise vers trop de douceur et de gentillesse ; on aimerait à plusieurs reprises sentir la rugosité de notre ville et Blasband a tendance à la lisser.

 

« Hors-la-loi », de Régis Duqué, est un western mis en scène par Jérôme Nayer, avec Fanny Hanciaux, Yasmine Laassal, François de Saint-Georges, Eno Krojanker et Hervé Piron. Si le rapport à la loi, le fantasme de sa transgression ou de sa défense, fournissent le sous-texte du spectacle, il s'agit avant tout du terrain de jeu de formidables acteurs en liberté. Ils jouent aux cow-boys, sont inventifs, drôles, dynamiques ; ils s'éclatent visiblement ensemble et leur plaisir est communicatif. Bien que mon impartialité puisse être mise en cause par le fait que cinq des membres de l'équipe élargie font partie de mes proches collaborateurs, je vous encourage à profiter de leur très généreuse énergie.

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« Rue du croissant » est présenté chaque jour à 12h40 et « Hors-la-loi » à 20h15 (relâche aujourd'hui pour les deux spectacles).

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La très ludique fresque réalisée par Lucas Racasse à l'occasion des dix ans des Doms et mettant en scène plus de cinq cent personnes y ayant travaillé depuis 2001 est visibleici et dans la cour du théâtre.

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